C'est un réquisitoire sans concession qu'a prononcé le procureur dès l'ouverture, ce dimanche, du procès de plusieurs figures du Hirak et défenseurs des droits de l'homme, devant le tribunal de Dar El Beida. 20 ans de prison a été réclamée contre l'ensemble des accusés, parmi lesquels Kaddour Chouicha, Saïd Boudour et la journaliste Jamila Loukil.
Selon le magistrat, ces militants auraient ourdi un « complot » afin de déstabiliser l'État, sous la houlette du mouvement Rachad. Cette organisation, dirigée par Yahia Mekhiouba entre autres, réfugié politique à l'étranger, est classée comme « terroriste » par l’Algérie. Elle coordonnerait une cellule en Algérie, ayant pour mission de « relayer ses revendications, de recevoir des financements de sa part et de mener des actions subversives. »
Une thèse conspirationniste qui ne convainc pas les robes noires
Les avocats de la défense ont immédiatement battu en brèche ces accusations. L'un d'eux, Me Zahaf Foughoulou, a souligné au sujet de l'accusé Djahid Zakaria : « Il n'a aucun lien avec Rachad. C'est un hirakiste ». Un argument repris par l'avocat Bahloul Azzedine, pour qui ce dossier est avant tout « politique ».
Me Fetta Sadat a quant à elle ironisé sur «l'installation de Saïd Boudour comme coordinateur de Rachad pour la région ouest », s'étonnant que l'accusation puisse « bâtir des preuves » à partir des simples dires d'un inculpé.
L'avocate a insisté : « Nous ne pouvons pas bâtir de preuves avec les dires d'un accusé ».
Tortures et humiliations dénoncées par les prévenus
Plusieurs accusés ont saisi l'opportunité de ce procès pour rapporter les sévices qu'ils disent avoir subis lors de leur arrestation, principalement de la part de policiers. Certains ont fait état d'humiliations visant à les « briser », comme Yasser Rouibah, à qui l'on aurait uriné dessus, avant de le photographier nu. Ce jeune de 21 ans a déclaré avoir été « torturé et humilié dans les locaux de la police d’Oran pendant sa garde à vue ».
« J’ai été torturé pendant trois jours dans les locaux de la police. Un officier des services à Magenta a uriné sur moi. On m’a dénudé et pris en photo pour m'humilier davantage », a-t-il déclaré.
D'autres, comme Saïd Boudour, disent avoir été « frappés et insultés ». « Les policiers ont refusé que le médecin légiste m´examine. Je rends hommage au courage de cette dame qui leur a tenu tête. J´ai demandé à voir le procureur et on me l´a refusé. Des certificats médicaux, ont disparu de mon dossier », poursuit-il.
Des récits glaçants qui jettent le doute sur les procès-verbaux, potentiellement obtenus sous la contrainte. Un témoignage accablant pour les autorités, alors que la tension monte au tribunal entre un procureur intraitable et des avocats vent debout pour l'acquittement de leurs clients.
Sophie K.
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