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Affaire Boubekeur Fergani: L’ONU épingle à nouveau l’Algérie pour crime de disparition forcée



Professeur d'histoire et père de cinq enfants, demeurant à la cité des frères Abbas à Constantine, Boubekeur Fergani a été enlevé le 21 juin 1995 à 22h 45 de son domicile familiale par des agents de la Sécurité Militaire (SM) accompagnés d'un informateur cagoulé.


Durant la même nuit, quatre autres voisins seront arrêtés et séquestrés durant 4 mois avant d'être libérés. Boubekeur Fergani aurait été détenu au centre de la 5eme région militaire d'après le témoignage fait à la famille par quatre codétenus libérés.


Quelques jours après son arrestation, son épouse s'était rendue dans les casernes du DRS, les commissariats de police et les tribunaux de Constantine espérant obtenir des informations, en vain.


Face au silence, l'épouse a formellement déposé une plainte pour enlèvement et séquestration auprès du Procureur de la République, et envoyée des lettres à l'ONDH et au médiateur de la République, en vain ! Aucune enquête n'a jamais été ouverte.


Deux années après les faits, l'épouse de Boubekeur Fergani a été convoquée par la gendarmerie nationale de la brigade de Mansourah pour se voir notifier que les « recherches concernant la disparition de son époux n'avaient pas abouties ».


« Je veux connaitre la vérité sur mon époux. S'il est vivant, je veux qu'il me revienne, s'il est mort, je veux pouvoir l'enterrer et faire le deuil. Un deuil sans mort, sans enterrement, ça ne veut rien dire, c'est impossible », ne cesse d'affirmer l'épouse du disparu Boubekeur Fergani.


Après avoir épuisé toute possibilité de recours en Algérie, l'épouse de la victime a mandaté l'ONG Alkarama pour que le Comité des droits de l'homme soit saisi du cas de M. Fergani.


Le 26 mai 2016, Alkarama a soumis le cas de Boubekeur Fergani, victime de disparition forcée dans les années 90 au Comité des droits de l'homme (CDH) de l'ONU.


Son enlèvement et sa disparition constituant des violations graves aux obligations de l'Algérie en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la famille de la victime a demandé à ce que leurs droit à connaitre la vérité sur le sort de leur proche et à obtenir justice soit enfin respecté par les autorités algériennes.


« Au cours de sa 135ème session, qui s’est déroulée à Genève du 27 juin au 27 juillet 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a conclu à la responsabilité de l’État algérien du fait de la disparition forcée de Boubekeur Fergani dans les années 1990 à la suite d’une communication d’Alkarama en date du 26 mai 2016 », souligne l’ONG basée à Genève dans un communiqué.


« Les mécanismes de l’ONU ont conclu à la responsabilité de l’État algérien dans la disparition forcée de Boubekeur Fergani, appelant à l’ouverture d’une enquête transparente pour faire la lumière sur sa disparition », précise l'ONG.


La victime figure parmi les milliers d’algériens enlevés entre 1992-1998 par les policiers et militaires en Algérie et dont les familles sont restées sans nouvelles à ce jour.


« En dépit des nombreuses recommandations formulées par le Comité en ce qui concerne ces disparitions, les autorités refusent, encore aujourd’hui, de faire la lumière sur les circonstances de ces crimes et de traduire leurs auteurs en justice se prévalant des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui instaure une impunité généralisée au profit de leurs auteurs » , déplore l’ONG.



« Dans sa décision rendue au cours de la 135ème session, poursuit l’ONG, le Comité a rappelé que l’État ne peut invoquer la Charte pour la réconciliation jugée incompatible avec les dispositions du Pacte dès lors qu’elle instaure une impunité généralisée pour les membres de la police et de l’armée, auteurs de crimes graves.» Et de préciser que « l’instance onusienne avait déjà reconnu le caractère arbitraire de la privation de liberté de Fergani, arrêté sans mandat et sans avoir été inculpé.»


Le Comité, poursuit la même source, a conclu que « l’Algérie a failli à son obligation de protéger la vie de Fergani, la définition même de la disparition forcée impliquant un ensemble unique et intégré d’actes représentant une violation continue de plusieurs droits consacrés par cet instrument, dont le droit à la vie.»


Le Comité Onusien a également relevé le refus des autorités Algériennes de reconnaître la privation de liberté de la victime et de divulguer son lieu de détention.


L’organe onusien a exhorté les autorités algériennes « à mener une enquête rapide, efficace, exhaustive, indépendante, impartiale et transparente sur la disparition de Boubekeur Fergani » appelant à sa libération s’il est toujours détenu au secret, à restituer sa dépouille à sa famille dans l’hypothèse où il serait décédé et à poursuivre les responsables des violations commises, tout en accordant à la famille une réparation adéquate, conclut l'ONG AlKarama.



Lila Mokri

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