C'est l'épilogue d'une longue bataille menée par les défenseurs de la liberté de la presse en Algérie. Radio M, média indépendant devenu incontournable sur la scène nationale, a annoncé mercredi sa cessation de publication, terrassé par un arsenal juridique répressif et les poursuites incessantes à l'encontre de son équipe.
« C'est avec le cœur lourd que nous, journalistes de Radio M, vous annonçons la cessation de publication de notre site web », peut-on lire dans le communiqué. Un crève-cœur pour ce média né en 2013 « entre les murs d'une petite cuisine à Alger » et qui aspirait à devenir « un émetteur de toutes les luttes : syndicales, politiques, économiques, culturelles et sociales ».
Depuis sa création, Radio M s'était imposé comme « un média incontournable pour les adeptes des débats libres et de l'information indépendante ». « Nous avons tenté d'en restituer les pulsations, toutes les pulsations, dans leur complexité, malgré toutes les difficultés », soulignent ses journalistes.
Un idéal de pluralisme et de liberté d'expression payé au prix fort. En décembre 2022, l'arrestation de son directeur Ihsane El Kadi, condamné depuis à 7 ans de prison dont 5 ferme, avait marqué le début d'un lent étranglement judiciaire et économique.
« Depuis cette date et la saisie de tout le matériel, le titre a continué à exister malgré le harcèlement continu de ses journalistes et les poursuites en justice », rappellent les rédacteurs. Une « survie » rendue possible par les efforts d'une « équipe bénévole totalement engagée » malgré un climat de « répression de toutes les expressions médiatiques divergentes ».
Mais le 13 juin dernier, la Cour d'appel d'Alger a porté un coup fatal en confirmant la dissolution d'Interface Médias, société éditrice condamnée à une lourde amende et à dédommager le régulateur audiovisuel. « En plus de ce lourd jugement, l'entrée en vigueur d'un nouvel arsenal juridique rend notre activité impossible », déplorent les journalistes, évoquant des « lois plus liberticides ».
Un soufflet aux idéaux fondateurs de Radio M qui voulait « promouvoir la liberté d'opinion et la défense des libertés démocratiques ». Ses voix divergentes se sont définitivement tues, étouffées par un pouvoir déterminé à museler toute critique.
Reste désormais l'espoir âprement formulé d'une « renaissance de la liberté d'expression » et de « la libération d'Ihsane El Kadi et des autres détenus d'opinion ». En attendant, c'est un nouveau coup porté au pluralisme médiatique en Algérie.
Sophie K.
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