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Algérie: KOUKOU Editions dénonce un «chantage» étatique et la répression culturelle en Kabylie

La scène culturelle algérienne est secouée par une nouvelle controverse impliquant la maison d'édition KOUKOU Editions et le ministère de la Culture. Dans un communiqué de presse, KOUKOU Editions dénonce ce qu'elle qualifie de « chantage odieux » exercé par les autorités culturelles du pays, mettant en lumière les tensions croissantes entre les acteurs culturels indépendants et l'appareil étatique.

 

Au cœur de cette polémique se trouve l'organisation du Salon du livre amazigh d'Ath Ouacif, initialement prévu du 3 au 6 octobre 2024 dans la wilaya de Tizi Ouzou. Selon KOUKOU Editions, Tidjani Tama, président de la Commission de censure et directeur central du Livre au ministère de la Culture et des Arts, aurait posé un ultimatum aux organisateurs : exclure KOUKOU Editions de l'événement ou se voir refuser l'autorisation nécessaire à sa tenue. Face à cette injonction verbale, dépourvue de tout fondement légal, les organisateurs ont préféré reporter la manifestation plutôt que de céder à ce qu'ils perçoivent comme un diktat injustifié.

 

Ce n'est pas un incident isolé pour KOUKOU Editions. Le communiqué rappelle une série d'actions menées contre la maison d'édition depuis la nomination de Tidjani Tama en juin 2022, notamment l'interdiction d'une douzaine d'ouvrages lors du Salon International du Livre d'Alger (SILA) en 2022 et l'exclusion sans motif légal de KOUKOU Editions du SILA 2023. Ces actions ont conduit à une plainte, actuellement en cours d'instruction au tribunal de Hussein Dey à Alger.

 

KOUKOU Editions ne mâche pas ses mots quant aux motivations de cette censure. Elle dénonce une tentative « d'étouffer les voix de dizaines d'auteurs progressistes » et s'insurge contre ce qu'elle perçoit comme un deux poids, deux mesures. Le communiqué pointe du doigt l'autorisation de vente d'ouvrages controversés comme « Mein Kampf » d'Adolf Hitler ou les « Mémoires » de Mussolini, traduits en arabe, ainsi que la « place de choix » accordée aux « livres de propagande wahabites ».

 

La maison d'édition affirme avoir alerté la hiérarchie de Tidjani Tama, y compris la ministre de la Culture, sur ces « délits perpétrés par la Commission de censure ». L'absence de réaction est interprétée comme une forme de complicité, engageant selon KOUKOU Editions « lourdement la responsabilité politique du gouvernement ».

 

Au-delà du cas particulier de KOUKOU Editions, le communiqué dresse un tableau sombre de la situation culturelle en Kabylie. Il évoque la disparition de plusieurs espaces culturels autonomes tels que les salons du livre de Boudjima et de Tigzirt, le Café littéraire de Bgayet, et le Festival Racont'Arts, soulignant une tendance inquiétante à l'étouffement des expressions culturelles indépendantes.

 

Face à cette situation, KOUKOU Editions a pris la décision de se retirer volontairement du Salon du livre amazigh d'Ath Ouacif, tout en appelant les organisateurs à maintenir l'événement. La maison d'édition annonce son intention de poursuivre le combat « avec la force de la loi » et le soutien de ses avocats, auteurs, lecteurs et sympathisants.

 

KOUKOU Editions présente ce conflit comme un affrontement entre « l'éthique contre la corruption morale, la légalité contre la délinquance, la raison contre les ténèbres ». La maison d'édition se dit déterminée à poursuivre ce combat, considérant que le fait d'avoir « contraint les manipulateurs de l'ombre à sortir de leur tanière est une première victoire ».



Sophie K.

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