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Alger dénonce la « lecture révisionniste » de la justice suisse dans l'affaire Nezzar

Cette décision de justice helvétique qui ravive de douloureux souvenirs de la décennie noire algérienne provoque l'ire d'Alger. Le ministre Attaf dénonce vertement une « lecture révisionniste » du « combat solitaire » de l'Algérie contre le terrorisme. Les relations entre les deux pays pourraient s'en trouver durablement affectées. De leur côté, les associations de victimes de cette période tragique estiment que la réaction du MAE est « démesurée » voire « amnésique ».

Le ministre algérien des Affaires étrangères, M. Ahmed Attaf, a réagi avec fermeté à la décision de la justice suisse dans l'affaire du Général-major à la retraite, Khaled Nezzar. L'appel téléphonique entre M. Attaf et son homologue suisse, M. Ignazio Cassis, pourrait être le point de départ d'une vive tension diplomatique entre l'Algérie et la Suisse.

Dans un communiqué émis par le ministère, M. Attaf a exprimé sa préoccupation face à ce qu'il a qualifié de « lecture révisionniste », par la justice suisse, de « l'engagement solitaire de l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme ».


Le ministre algérien a répondu aux déclarations de M. Cassis concernant la position du gouvernement suisse sur les développements récents de l'affaire, notamment le renvoi de celle-ci au tribunal pénal fédéral avec acte d'accusation.

Le ministre a immédiatement souligné trois points clés. Il a d'abord rappelé que « l'indépendance de la justice ne devait pas mener à l'irresponsabilité et qu'un système judiciaire ne devait pas dépasser son rôle en jugeant les politiques d'un État souverain et indépendant. »

Ensuite, M. Attaf a critiqué la « légèreté » avec laquelle la justice suisse « a accordé une tribune aux terroristes et à leurs alliés pour discréditer le combat honorable de l'Algérie contre le terrorisme. »

Enfin, il a accusé la justice suisse de procéder à « une lecture révisionniste de l'histoire de l'Algérie durant les années 90, en utilisant des accusations outrancières et infondées, par des comparaisons hasardeuses et inappropriées et par des falsifications si flagrantes qu’elles se discréditent elles-mêmes. »

Cette posture n'hésite pas à envisager des mesures pouvant affecter les relations entre l'Algérie et la Suisse. « Cette affaire a atteint les limites de l’inadmissible et de l’intolérable et que le gouvernement algérien est déterminé à en tirer toutes les conséquences, y compris celles qui sont loin d’être souhaitables pour l’avenir des relations algéro-suisses », indique le communiqué.


Tout en formulant le vœu que « tout soit entrepris pour éviter que cette affaire n’entraine les relations entre l’Algérie et la Suisse sur la voie de l’indésirable et de l’irréparable », conclut le communiqué.

Réaction controversée du ministre algérien face à la justice suisse : Entre mémoire et responsabilité

La réaction véhémente du ministre algérien des Affaires étrangères à la décision de justice suisse dans l'affaire Nezzar a suscité des critiques de la part de certains observateurs et associations de victimes en Algérie.

Ces derniers estiment que les propos tenus sont « démesurés » voire « amnésiques » au regard des graves violations des droits de l'homme perpétrées par les forces de sécurité algériennes pendant la décennie noire.

Selon eux, il est inacceptable de qualifier de « lecture révisionniste » le travail de la justice suisse, alors que celle-ci tente de faire la lumière sur des crimes avérés commis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en Algérie.

Des associations comme SOS Disparus ou le CFDA, qui représentent les familles de disparus, rappellent que entre 7000 et 20000 Algériens ont été victimes de disparitions forcées durant cette période, bien souvent aux mains des services de renseignement et de l'armée.

Elles soulignent également que si l'Algérie a certes mené un combat légitime contre les groupes terroristes, les forces de sécurité se sont également livrées à des exactions graves, notamment des exécutions extra-judiciaires, des actes de torture et des disparitions forcées. Minimiser ces agissements au nom de la « lutte antiterroriste » revient à nier les souffrances endurées par de nombreuses familles algériennes qui réclament depuis des années vérité et justice.

Pour ces observateurs, la priorité devrait être de reconnaître les errements du passé afin de panser les blessures et non de défendre bec et ongles l'image des forces de sécurité.

Les séquelles persistantes de la « Décennie Noire » en Algérie : le combat inlassable des familles endeuillées


Près de deux décennies après la fin d'une période sombre qui a ébranlé le pays, les cicatrices de la tragique « décennie noire » en Algérie demeurent profondes.

Entre 1991 et 2002, le pays a été en proie à un conflit dévastateur, opposant l'armée algérienne aux groupes islamistes armés, et laissant derrière lui un lourd bilan de plus de 200 000 morts, des milliers de disparitions forcées et d'innombrables blessés.

Au sein d'associations telles que SOS Disparus et le CFDA, les familles endeuillées poursuivent leur lutte pour obtenir la reconnaissance de leurs souffrances et pour faire la lumière sur le sort de leurs proches disparus. Elles revendiquent également justice et réparations pour les victimes de cette guerre qui a profondément marqué le peuple algérien.

Pourtant, malgré ces efforts, ces associations se heurtent au silence et à l'indifférence des autorités algériennes.


En 2005, une loi sur la « réconciliation nationale » a été adoptée, amnistiante les auteurs de violences et entravant toute enquête sur la « décennie noire ».


Bien que les autorités justifient cette loi comme un moyen de restaurer la paix et la stabilité, les associations de victimes et les défenseurs des droits humains dénoncent une tentative de faire taire la mémoire collective. Ils estiment que cette loi viole le droit à la vérité, à la justice et à la réparation des victimes, et qu’elle favorise l’impunité des auteurs de crimes graves. Ils critiquent aussi le caractère vague et arbitraire de cette loi, qui ne définit pas clairement les bénéficiaires de l’amnistie ni les modalités de sa mise en œuvre.

Face au déni de justice de l'État algérien, les associations de victimes ont porté leur cause devant des instances internationales, comme le Comité des droits de l'Homme de l'ONU, qui a critiqué l'opacité persistante de l'Algérie dans ce dossier.

Le chemin vers la reconnaissance, la justice et la réparation reste donc un combat ardu pour les familles endeuillées, dans un pays toujours en quête de guérison et de réconciliation.



Sophie K.

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