Dans un nouveau rapport intitulé “Ma vie est brisée” publié le 14 mai 2024, Amnesty International tire la sonnette d'alarme sur la situation des droits des femmes au Maroc en raison de la criminalisation quasi-totale de l'avortement.
L'ONG affirme que “l'État marocain manque à ses obligations de garantir des services de santé sexuelle et reproductive accessibles, notamment des services d'avortement, exposant ainsi les femmes et les filles à des situations dangereuses et bafouant leurs droits humains.”
Le rapport s'appuie sur des témoignages glaçants de 33 femmes ayant tenté d'avorter clandestinement au Maroc, faute d'accès légal à cette procédure. “Aucun État ne doit dicter les décisions en matière de grossesse et priver les femmes et les filles des services d'avortement auxquels elles ont droit”, martèle Amnesty.
“Les lois et pratiques marocaines discriminatoires privent les femmes de leur droit de prendre des décisions de manière autonome et perpétuent un climat forçant les femmes à poursuivre leur grossesse quelles qu'en soient les conséquences”, dénonce Amjad Yamin, responsable à Amnesty pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
Le Code pénal marocain n'autorise l'avortement que si la vie de la mère est en danger, avec un risque de poursuites pénales pour les femmes comme pour les médecins. Cette criminalisation pousse de nombreuses femmes à recourir à des “méthodes clandestines, non réglementées, dangereuses et souvent coûteuses”, selon Amnesty, comme l'ingestion de produits chimiques, de plantes ou même des violences physiques.
“Que pouvons-nous faire en tant que médecins ? Rien. Nous ne pouvons pas aider les femmes. Nous avons les mains liées”, témoigne un professionnel de santé cité dans le rapport.
Le texte documente de nombreux cas de graves complications, voire de tentatives de suicide à la suite d'avortements clandestins ratés. Comme Farah, une femme violée tombée enceinte qui confie : “J'ai tout essayé pendant 5 mois, en vain. J'ai même envisagé de me suicider.”
Au-delà du seul avortement, Amnesty dénonce la “cruauté” des lois marocaines criminalisant les relations sexuelles hors-mariage, poussant femmes et filles à la clandestinité sous peine d'emprisonnement et d'exclusion sociale. Des “enfants de mères célibataires sont privés d'identité juridique” faute de reconnaissance paternelle.
“Il est grand temps que les autorités donnent la priorité aux droits sexuels et reproductifs des femmes et mettent fin à la loi du silence sur l'avortement”, insiste Stephanie Willman Bordat, porte-parole d'Amnesty. L'ONG réclame l'abrogation des lois répressives et “un accès égal à des soins complets dont l'avortement sécurisé pour toutes”.
La Rédaction
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