Une récente décision judiciaire à Ceuta pourrait avoir des implications significatives pour la politique migratoire entre le Maroc et l'Espagne. Le tribunal administratif n°2 de Ceuta a déclaré « illégaux » les renvois de migrants interceptés en mer, suite à une plainte déposée par deux organisations non gouvernementales. Cette décision concerne spécifiquement le cas de deux personnes qui avaient tenté d'atteindre la ville à la nage.
Le jugement remet en question la pratique du « rejet à la frontière », communément appelée « retour à chaud », et critique l'interprétation extensive de la loi sur la protection de la sécurité des citoyens par l'exécutif espagnol. Le tribunal a précisé que cette procédure d'exception n'est légalement applicable que dans le périmètre immédiat de la clôture frontalière. Pour toutes les autres zones, y compris en mer, sur les îlots et en centre-ville, les autorités sont tenues d'appliquer la procédure de retour ordinaire, qui inclut des garanties procédurales complètes.
Dans sa décision, le juge a souligné l'importance de ces garanties, notamment l'accès à une assistance juridique et la présence d'un interprète. Ces éléments n'avaient pas été respectés dans les cas examinés, où des migrants interceptés en mer par la Garde civile avaient été renvoyés au Maroc sans bénéficier de ces droits fondamentaux.
Vers une refonte des procédures migratoires à la frontière hispano-marocaine ?
Cette décision judiciaire pourrait avoir des répercussions importantes sur la gestion des frontières. Les autorités espagnoles seront probablement contraintes de revoir leurs procédures de gestion des tentatives d'entrée par voie maritime, ce qui pourrait entraîner une augmentation des coûts et de la durée des procédures de retour. De plus, cette décision pourrait influencer les relations bilatérales entre l'Espagne et le Maroc en matière de coopération migratoire.
Du point de vue des droits des migrants, ce jugement renforce leur protection juridique en exigeant le respect de procédures légales complètes pour toute personne tentant d'entrer sur le territoire espagnol.
Les organisations à l'origine de la plainte, dont la Coordinadora de Barrios, No Name Kitchen et le Service Jésuite des Migrants, ont salué cette décision. Elles demandent la cessation immédiate des pratiques de renvoi expéditif et la reconnaissance de toutes les garanties procédurales pour les étrangers. La réaction officielle du gouvernement espagnol n'a pas encore été communiquée au moment de la rédaction de cet article.
Bien que ces décisions ne soient pas encore définitives, elles constituent un précédent juridique significatif. Elles pourraient influencer la future politique migratoire espagnole et, par extension, les relations avec le Maroc sur cette question sensible. L'équilibre entre le contrôle efficace des frontières et le respect des droits humains reste un défi majeur que les autorités espagnoles devront relever dans les mois à venir.
Sophie K/Agences