L’ancien avocat et Garde de Sceaux Robert Badinter est décédé dans la nuit du 8 au 9 février 2024. Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France, tient à saluer la mémoire de cet infatigable militant pour les droits humains en général, et plus particulièrement pour l’abolition de la peine capitale, qui aura été le combat de sa vie. Jusqu’à ce mardi 13 février au soir, un recueil de condoléances est mis à disposition du public à la Chancellerie.
Dans cette période de fragilisation des démocraties, il faut se souvenir du combat de Robert Badinter pour que le droit entre pleinement dans la République, via le Conseil constitutionnel. Non pas un « gouvernement des Juges » comme on a pu lui reprocher, mais la force du respect des grands principes fondamentaux.
Grand avocat, Robert Badinter fut nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice, par le président de la République François Mitterrand, le 23 juin 1981. Connu pour son engagement en faveur de l’abolition de la peine de mort en France, il présente son projet de loi pour l’abolition devant le Parlement en septembre 1981. La loi portant abolition de la peine de mort en France est promulguée le 9 octobre 1981.
Professeur de droit privé et avocat au Barreau de Paris, Robert Badinter s’engage très tôt dans le combat pour l’abolition. Dans les années 70, il plaide lors de deux procès qui revêtent une importance majeure : le procès Bontems (juin 1972) et le procès Patrick Henry (janvier 1977) qu’il transforme en procès de la peine de mort.
Devenu ministre de la Justice, Robert Badinter réforme également le code pénal, met fin aux juridictions d’exception et améliore le droit des victimes.
« Cette justice d'élimination, cette justice d'angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'antijustice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanité » (Robert Badinter, Assemblée nationale, 17 septembre 1981)
« Nous sommes tous bouleversés par la mort de Robert Badinter, et nous tenons à apporter toutes nos condoléances à ses proches et à l’immense communauté des défenseurs des droits humains, qui pleure aujourd’hui l’un de ses principaux représentants. Tout au long de sa vie, il aura incarné la lutte pour le droit international et pour le respect des droits fondamentaux, à commencer par son opposition inlassable à cette peine inhumaine et insoutenable qu’est la peine de mort. Au travers de ses écrits, de ses plaidoiries mémorables, ou de ses discours, il n’aura jamais cessé de se battre pour cette cause. Il avait rejoint le combat d’Amnesty international dans ce vaste mouvement international, représentant notre organisation à la Conférence internationale sur l’abolition de la peine de mort de Stockholm en 1977. Aujourd’hui encore ce combat se poursuit, et le nombre de pays ayant décidé d’en finir avec la peine capitale n’en finit pas de s’allonger. »
« Pas plus tard qu’hier, le Zimbabwe a annoncé renoncer à la peine de mort et pourrait devenir le 145e Etat à abolir cette pratique. Cette annonce n’aurait certainement eu lieu si le mouvement international pour l’abolition n’avait pas eu une telle influence. Et ce mouvement n’aurait certainement pas été aussi important, si un jeune avocat infatigable et d’une détermination sans faille, devenu ministre de la Justice sous le premier mandat de François Mitterrand, n’avait réussi à convaincre la société française – encore très largement hostile à cette idée -, qu’il fallait en terminer avec la peine de mort. Le discours qu’il a tenu le 18 septembre 1981 devant l’Assemblée nationale restera dans les mémoires et dans l’Histoire comme l’un des plus puissants jamais prononcés dans l’hémicycle. Il aboutira à l’adoption d’une loi qui entrera en vigueur le 10 octobre 1981. Seuls 35 pays avaient alors aboli la peine de mort."
« Ce combat n’aura pas été le seul dans sa vie. Droit des mineurs isolés en prison, conditions de détention, lutte contre la discrimination des homosexuels : Robert Badinter reste pour nous un exemple de détermination et de courage politique. A l’inverse de ceux qui s’engagent dans des politiques démagogiques au détriment de la dignité humaine, il nous a montré que celles fondées sur les droits fondamentaux pouvaient au contraire donner un sens plus noble à la politique, et au final changer les opinions. »
La rédaction