Le 30 août 2023, l'ensemble de notre planète marquera solennellement une journée empreinte de douleur, une journée dédiée aux disparitions forcées. Cette commémoration, établie par les Nations-Unies le 21 décembre 2010, entamera sa douzième année cette fois-ci.
Cette journée offre également l'opportunité de rappeler le destin tragique de jeunes Algériens, victimes d'une exécution implacable, tandis que leurs familles demeurent plongées dans un abîme de désespoir. Parmi elles, la mère Fatiha, dont l'histoire poignante se dessine ainsi :
Cela s'est déroulé durant l'hiver de 1994, dans le quartier de Gambetta à Oran.
L'atmosphère était imprégnée de tension alors que les attentats et les violences se multipliaient, laissant tout le monde perplexe. Une anecdote parmi les nombreuses autres relate l'encerclement d'un appartement par la police dans le quartier de Gambetta, où un groupe de « terroristes » s'était retranché au deuxième étage d’un immeuble.
Après vingt-quatre heures de siège, le groupe se rendit sans qu'il y ait eu de pertes humaines des deux côtés.
Le jour suivant, on apprend qu'un des jeunes arrêtés n'était autre que Bachir, le frère d'un ami du quartier de Miramar.
Dans notre quartier, Bachir était une figure respectée, aimable et chaleureuse, âgé de vingt-six ans. Connu pour sa pratique du judo, il aidait les jeunes turbulents et les délinquants à retrouver le droit chemin. Malgré sa piété, Bachir n'avait rien d'un extrémiste.
Mounir, l'aîné des frères de Bachir, entreprit alors une quête désespérée pour retrouver son cadet. Il visita tous les commissariats en espérant obtenir des nouvelles, mais finit par se résigner à solliciter les autorités de sécurité militaires pour avoir des informations.
Tout le monde anticipait que le groupe serait présenté devant le procureur pour faire face à diverses accusations.
Cependant, à mesure que les jours passaient, les chances d'un procès s'amenuisaient.
À ce stade, Mounir commença à soupçonner qu'il s'agissait probablement d'un cas de disparition forcée. Parmi ses contacts, il comptait un ami intime au sein des forces de sécurité chargées des interrogatoires. Il le harcela de questions jusqu'au jour où l'officier finit par lui révéler la terrible vérité : son frère avait été éliminé, tout comme les autres membres du groupe.
L’officier alla même rendre visite à la mère de Bachir pour la rassurer en lui disant que son fils était toujours en vie et qu'il reviendrait un jour, afin de ne pas lui causer davantage de chagrin.
Cependant, le jour où la loi sur la concorde civile fut promulguée, accompagnée de sa Charte pour la paix et la réconciliation nationale, Mounir décida de révéler la vérité à sa mère. Finalement, toute la fratrie parvint à convaincre leur mère d'accepter une indemnisation, même si cela était empreint de honte.
Depuis ce jour funeste, la mère, Fatiha, a perdu la quiétude. Convaincue que son fils a été pris par la mort dans des circonstances sinistres, elle ne cherche, à ce jour, que la révélation de l'endroit où il a été silencieusement enseveli.
Elle ne connaît point le sommeil, car l'image de son fils est son fidèle compagnon, à toute heure du jour et de la nuit.
Elle redouble ses prières, seulement pour espérer entrevoir le lieu de la sépulture, un ultime pas vers la douleur apaisée, afin de faire enfin son deuil.
Au-delà des récits et des mémoires, il convient aujourd'hui d'exhumer à nouveau le dossier des disparus de la décennie noire, ces âmes au nombre de 10 000, fauchées par la main assassine, même si la loi sur ce sujet fut confectionnée sur mesure par Bouteflika, tel un présent destiné à ses fidèles généraux « Janvieristes ».
En dépit de l'habileté avec laquelle les autorités algériennes ont tenté de reléguer cette question aux confins de l'oubli, il demeure indéniable que les familles, les communautés, les témoignages, les récits, et surtout, l'éternelle trace de l'Histoire, demeurent intacts.
L'existence nous a enseigné que, malgré tous les aléas, toutes les falsifications et les obscures manœuvres criminelles, l'Histoire n'embrasse pas l'amnésie. Elle consigne tout, déterre tout, et le replace sur le devant de la scène.
En outre, , La disparition forcée est définie par l’ONU comme l'arrestation, la détention ou l'enlèvement de personnes contre leur volonté, les privant de leur liberté par des agents gouvernementaux, des groupes organisés ou des particuliers agissant au nom du gouvernement, et qui refusent de révéler leur sort ou leur emplacement, les soustrayant ainsi à la protection de la loi.
Par ailleurs, Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et la Convention internationale pour la protection contre les disparitions forcées stipulent que la disparition forcée, lorsqu'elle est commise dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, est considérée comme un crime contre l'humanité, ne pouvant pas être soumis à un délai de prescription, et accorde aux familles des victimes le droit de réparation et de connaître la vérité.
En ce 30 août 2023, le monde entier se recueillera avec solennité pour marquer une journée teintée de douleur, une journée dédiée aux disparitions forcées, une commémoration enracinée depuis douze ans déjà, établie par les Nations-Unies.
Cette journée nous rappelle également le destin tragique de jeunes Algériens, tombés sous l'emprise impitoyable de l'ombre, tandis que leurs familles endurent toujours l'abîme du désespoir.
Parmi ces histoires poignantes, celle de la mère Fatiha ou Aicha et encore Halima, s'inscrit en lettres douloureuses dans l'histoire collective.
Elle nous rappelle, avec force et clarté, que malgré les manœuvres du pouvoir pour enfouir ces tragédies dans l'oubli, l'Histoire ne saurait jamais oublier, et elle continue de tout déterrer, tout révéler, tout ramener à la lumière.
La rédaction
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