Apres la soudaine annonce du "report" de la soirée d'hommage censée être organisée à Paris, au Centre Culturel Algérien, au militant du mouvement indépendantiste algérien, sa veuve se demande si cette "annulation" ne constituait pas un acte politique ?. De leurs cotés, les organisateurs de la soirée d'hommage ont répondu par communiqué.
Dans un post rendu public, fin du mois dernier, la veuve de Sadek Hadjerès, Mme Aliki Papadomichelaki, indiquait que "Le Centre Culturel Algérien vient d’annoncer hier 21 janvier 2023 le « REPORT » de la soirée d’Hommage à Sadek Hadjerès, c’est-à-dire à peine trois jours avant sa tenue", et de poursuivre "J’invite les personnes qui comptaient s’y rendre à réfléchir si cette annulation - dans les faits - ne constitue pas un acte politique ; qui dépasse le niveau même de la direction du Centre".
En effet, beaucoup de personnes avaient pris des billets de train, plusieurs semaines auparavant, pour participer et assister à la soirée d'hommage censée être organisée au sein du Centre Culturel Algérien (CCA), le 25 janvier 2023, soutenu par "le Maghreb des films".
La veuve du militant du mouvement indépendantiste algérien, avait précisé que ce fut "un report qui signifie annulation, sous le poids de pressions obscures".
Il faut souligner surtout que les raisons du "REPORT" n'ont jamais étaient mentionnées par le (CCA). Ce sont plutôt les relais médiatiques "arabophones" qui avaient indiqués que "la soirée d'hommage à Sadek Hadjerès a été annulée, parce que le mouvement séparatiste (MAK) avait infiltré l’organisation de ladite soirée" .
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Les organisateurs de la soirée consacrée à Sadek Hadjerès ont décidé de répondre à cette annulation par le communiqué ci-dessous :
"Organisateurs de cet événement ou intervenants prévus pour y participer, nous avons été surpris par cette décision.
Tout d’abord nous devons insister sur le fait que, pour la plupart d’entre nous, régulièrement invités ou accueillis pour des projections, débats et expositions, les relations avec le Centre Culturel Algérien (CCA) ont jusque-là été bonnes.
Le CCA a immédiatement répondu positivement à notre proposition d’organiser cette soirée d’hommage. Nous l’avons préparée, réuni des intervenants compétents et proches de Sadek Hadjerès, discuté ensemble et choisi des extraits vidéos offrant un regard le plus juste possible sur son parcours. Il s’agissait d’une soirée d’histoire, pas de propagande. Ce programme a été soumis à l’avance au CCA, qui n’a opposé ni refus ni censure.
Aussi nous avons été très chagrinés d’apprendre ce « report », quatre jours avant l‘événement. Que s’est-il passé ? Le CCA nous a informé qu’il avait reçu des appels et des visites de personnes menaçant de perturber la soirée, contraignant l’établissement, qui ne dispose pas de service d’ordre, à « reporter » la soirée. Nous utilisons des guillemets car il est évident pour nous que ce report est en fait une annulation, tout au moins dans ce lieu, car nous n’envisageons pas de modifier la composition de cet hommage ni de le différer très longtemps.
La situation restant la même, il n’y a pas de raisons qu’elle provoque des réactions contraires.
Nous ne savons pas quels sont les auteurs de ces pressions. Mais il est difficile d’ignorer le fait que Sadek a toujours été un progressiste, socialiste et démocrate.
Son parcours dessine toute l’histoire contemporaine de l’Algérie, depuis son engagement dans la vie politique et culturelle des années 1930 jusqu’aux engagements du présent, en passant par la Guerre d’Indépendance et par l’édification d’un pays indépendant dans les années 1970 et 1980, avec ses camarades Bachir Hadj Ali et Jacques Salort, tous deux arrêtés et torturés après l’indépendance. C’est comme progressiste qu’à partir de 1965 il été contraint à 24 ans de clandestinité en Algérie, puis à l’exil en France.
Et c’est aussi comme progressiste qu’il a observé son pays et commenté ses évolutions et son histoire à travers son site socialgerie.net.
Manifestement, cette vision ne plaît pas à tout le monde. Nous sommes toutefois conscients du fait que l’hostilité à Sadek Hadjerès, à ses idées ou aux historiens et historiennes qui se sont intéressés à son parcours, reste très minoritaire, comme l’indiquent les témoignages de sympathie et de regrets que nous recevons depuis l’annonce de ce « report ».
La levée du corps et l’enterrement de Sadek Hadjerès en novembre en Algérie avait réuni un large spectre politique y compris avec une présence gouvernementale.
L’impossibilité de tenir cet hommage public au Centre culturel algérien est d’autant plus difficile à comprendre. Car il s’agit bien pour nous d’un report, sans guillemets cette fois, dans un lieu qui sera moins exposé aux pressions et aux menaces, et où nous espérons organiser bientôt, sereinement et nombreux, l’hommage que mérite Sadek Hadjerès.
Nous vous tiendrons au courant de ce lieu et de cette date dès que possible.
Michèle Audin, François Demerliac, Ali Guenoun, Gilles Manceron, Malika Rahal, Alain Ruscio"
Sadek Hadjerès, né en 1928 en Kabylie, a rejoint avant même son baccalauréat le mouvement indépendantiste algérien (le Parti du peuple algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, PPA-MTLD), à la veille des manifestations de mai 1945 dans le Constantinois dont la répression violente a marqué une étape essentielle dans la prise de conscience nationale en Algérie.
Il a été exclu de ce mouvement dirigé alors par Messali Hadj après avoir posé, avec d’autres, la question de la démocratie en son sein et de sa prise en compte du pluralisme ethnolinguistique en Algérie.
Il a rejoint dans les années 1950 le Parti communiste algérien, et, en 1955, à sa direction avec Bachir Hadj Ali, il négocie l’intégration des communistes algériens au sein du Front de Libération Nationale (FLN) pour qu’ils participent à la guerre d’indépendance. Après l’indépendance, il est devenu un opposant aux dérives antidémocratiques du pouvoir militaire.
Clandestin durant trois décennies, son visage et son nom avaient obsédé les services de répression français et algériens. Ni les uns, ni les autres, n’avaient jamais réussi à mettre la main sur lui. De ces clandestinités, son corps avait gardé des traces : il n’avait pas élevé la voix pendant des années, et ne pouvait, âgé, parler que d’une voix légèrement enrouée.
En tamazight, en arabe ou en français, cette voix était calme, à l’image de tout son être, disposé à revenir sereinement sur son passé pour mieux éclairer les enjeux du présent de son pays.
Sadek Hadjerès s’est éteint à Paris le 3 novembre 2022.
La Rédaction
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