Hier, à la veille de la journée mondiale des droits de l'homme, Me Abdelghani Badi, avocat et membre reconnu du Collectif de défense des détenus d'opinion, a animé une conférence aux côtés de plusieurs autres avocats. Lors de sa prise de parole, il a sévèrement dénoncé certaines dérives graves du système judiciaire algérien.
Son réquisitoire sévère pointe du doigt le non-respect récurrent du principe fondateur de non-rétroactivité des lois dans des procès à caractère politique. « Des citoyens se retrouvent soudainement jugés et condamnés pour des actes qui, au moment où ils ont été commis, ne constituaient nullement des infractions », déplore-t-il.
Il citera à l'appui de ses dires le cas des individus poursuivis pour appartenance aux mouvances MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie) et Rachad en vertu de l'article 87bis du code pénal relatif à la répression du terrorisme.
Surtout, Me Badi s'insurge contre le rôle ambigu du procureur, qui a pourtant le devoir constitutionnel de protéger les libertés individuelles. « Il devrait déclarer publiquement que les personnes arrêtées pour leurs opinions politiques ou leurs expressions ne devraient pas rester en détention ni même passer devant la justice. Leur droit à la liberté d'expression est garanti par la Constitution ! »
Or, selon l'avocat, c'est tout le contraire qui se produit : « Le premier dépassement commence dès que le procureur donne son accord à leur arrestation. La protection constitutionnelle est alors négligée, ainsi que le recours légal ».
Me Badi rapporte également des cas troublants de « violations, d'abus et de traitements cruels » perpétrés après la fin de détention provisoire. Le militant du Hirak Yasser Rouibah a notamment dénoncé des « agissements odieux » de la part des autorités policières et judiciaires, allant jusqu'à porter plainte en vain.
En cause, selon Me Badi : l'absence fréquente de preuves tangibles pour justifier les poursuites engagées. « Le procureur devrait fournir des éléments concrets étayant chaque affaire, conformément au sacro-saint principe de légalité. Force est de constater qu'il ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger les droits fondamentaux du citoyen », affirme-t-il.
Face à ce réquisitoire implacable, Me Badi entend signifier combien l’application impartiale et équitable des droits de l’Homme reste un idéal inabouti en Algérie.
Il souligne aussi le courage et l'abnégation d'acteurs de la société civile qui n'hésitent pas à dénoncer les abus et dérives d'un appareil judiciaire qui semble parfois faillir à sa mission élémentaire de protection des libertés fondamentales.
Sophie K.
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