Le triomphe littéraire de Kamel Daoud se heurte aujourd'hui à une réalité judiciaire complexe. Moins d’un mois après avoir reçu le prestigieux Prix Goncourt, l'écrivain franco-algérien fait face à deux plaintes qui remettent en question les frontières entre création artistique et respect de l'intimité.
L'affaire trouve son origine dans « Houris », un roman qui explore les traumatismes de la guerre civile algérienne. Mais derrière les pages se cache une histoire bien réelle : celle de Saâda Arbane, survivante d'un massacre dans les années 1990, qui accuse l'auteur d'avoir révélé sa trajectoire personnelle sans son consentement.
Les plaintes, déposées auprès du tribunal d'Oran, visent tant Kamel Daoud que son épouse Aicha Dehdouh, psychiatre de profession. La première, portée par l'Organisation nationale des victimes du terrorisme, dénonce une « violation du secret médical ». La seconde, personnelle, émane directement de Saâda Arbane.
Me Fatima Benbraham, avocate des plaignants, est formelle : « Le dossier médical d'une patiente a été intégralement transmis à l'écrivain, franchissant une ligne éthique inacceptable. »
La bataille judiciaire qui s'annonce dépasse largement le cadre d'un roman. C'est toute la question de la mémoire, de sa transmission et de ses limites qui se jouera dans les prochains mois au tribunal d'Oran. Un procès qui promet d'être aussi littéraire que juridique, où l'encre des juges risque de peser autant que celle de l'écrivain.
Sophie K.