À l'approche de l'élection présidentielle algérienne prévue le 7 septembre 2024, un mouvement citoyen prend de l'ampleur au sein de la diaspora algérienne. Des voix s'élèvent, notamment en France et au Canada, pour réclamer un véritable changement démocratique dans leur pays d'origine. Cette mobilisation s'inscrit dans la continuité du Hirak, ce vaste mouvement populaire qui a vu des millions d'Algériens descendre dans les rues chaque vendredi à partir de février 2019.
Dans un texte fondateur signé par de nombreux citoyens engagés, la diaspora algérienne affirme son combat pour une réelle transition démocratique. Leur message est sans équivoque : ils refusent d'accepter une élection qu'ils considèrent comme « jouée d'avance » et dénoncent l'absence de conditions permettant un scrutin « honnête, transparent et libre ». Les signataires soulignent que « la souveraineté populaire sera une nouvelle fois confisquée, perpétuant ainsi la crise de légitimité politique du pouvoir héritée depuis l'indépendance ».
Le texte rappelle que depuis février 2019, le peuple algérien n'a cessé d'exprimer sa volonté de changement pour le recouvrement de sa souveraineté et l'instauration d'un État de droit démocratique. Cependant, les auteurs déplorent que cet élan ait été brisé par « les tenants d'un système politique obsolète, 'bunkérisé', sans vision, répressif et frappé d'incapacité structurelle à répondre aux aspirations populaires de rupture avec l'ordre ancien ».
Face à cette situation, les citoyens de la diaspora formulent plusieurs exigences concrètes. Ils réclament tout d'abord un véritable changement par une transition démocratique, seule à même de permettre la restitution de la souveraineté au peuple. Ils exigent également l'arrêt de la répression et de ce qu'ils qualifient de « stratégie de la terreur », appelant à l'abrogation de toutes les lois liberticides telles que l'article 87 bis et les dernières dispositions du Code pénal. La levée des restrictions imposées aux libertés syndicales, d'information et d'association est également demandée.
La libération de tous les détenus d'opinion et politiques, avec le recouvrement de tous leurs droits, figure parmi les revendications prioritaires. Les signataires réclament aussi l'arrêt des harcèlements et des poursuites judiciaires pour délit d'opinion, ainsi que le respect de la liberté de circulation aux frontières. Plus largement, ils appellent au respect des libertés fondamentales individuelles et collectives, ainsi que des textes internationaux ratifiés par l'Algérie relatifs aux droits civils, politiques, économiques et sociaux.
« L'Algérie est notre pays, dans lequel nous voulons vivre librement, nous exprimer sans crainte, travailler dignement, créer sans contraintes, voyager sans appréhension et manifester publiquement nos opinions et positions ainsi que nos soutiens aux peuples opprimés, dont le peuple palestinien qui subit un génocide », estime Karima Dirèche, historienne et directrice de recherche au CNRS.
Face à ce qu'ils considèrent comme une « mascarade électorale », les signataires appellent à un « rejet massif, pacifique et visible » du scrutin. Ils insistent sur la nécessité d'une union des Algériens en faveur de la transition démocratique, estimant que c'est la seule façon de sortir de l'impasse politique actuelle et de mettre fin à une « dangereuse fuite en avant » qui, selon eux, éprouve durement le peuple tout en engendrant de graves périls pour l'avenir du pays.
« Le nécessaire changement par la construction d'un rapport de force oblige à l'union des Algériens qui se sont exprimées pour la transition démocratique afin de remettre le pays dans sa trajectoire historique, initiée par les luttes de libération nationale et réaffirmée par le Hirak de février 2019 », affirme le professeur Lahouari Addi, sociologue politique, soulignant l’importance de la démarche.
La diversité des profils parmi les premiers signataires témoigne de l'étendue de la mobilisation au sein de la diaspora algérienne. On y trouve des personnalités comme Ghazi Hidouci, ancien ministre de l'Économie, Nassera Dutour, présidente du Collectif des Familles de Disparus en Algérie, Omar Aktouf, professeur honoraire à HEC Montréal, ou encore Ratiba Hadj-Moussa, professeure en sociologie à l'Université de York Toronto. Cette diversité reflète la richesse et l'engagement de la communauté algérienne à l'étranger.
Il est important de noter que cette mobilisation s'inscrit dans un contexte tendu. Le texte fait état « d'intimidations et d'agressions qui se multiplient contre eux sur le sol français à l'initiative d'une partie des services algériens en retard d'une guerre » . Cette situation préoccupante souligne les risques auxquels s'exposent ces citoyens engagés, même loin de leur pays d'origine.
Les signataires concluent leur appel par un message d'espoir et de détermination : « Soyons à la hauteur des sacrifices de nos aînés et de l'espérance de nos enfants, en construisant une véritable alternative démocratique en phase avec les aspirations du peuple algérien à 'une Algérie libre et démocratique' ». Ils soulignent que leur devoir, en tant que diaspora, est de soutenir et d'accompagner toute initiative s'inscrivant dans le prolongement de l'esprit du Hirak.
Cet appel de la diaspora algérienne représente un nouveau chapitre dans la lutte pour la démocratie en Algérie. En se positionnant comme une force de proposition et de mobilisation, ces citoyens engagés espèrent contribuer à l'émergence d'un véritable débat pluraliste et à la construction d'une alternative démocratique pour leur pays. Il reste à voir quel impact cet appel aura sur le processus électoral et, plus largement, sur l'avenir politique de l'Algérie.
Sophie K.
Premiers signataires :
Abdelli Mohand, ingénieur – Canada
Abes Sonia, universitaire – France
Aboudi Bachir, ingénieur – Canada
Addi Lahouari, professeur émérite de sociologie politique – France
Aïnouche Ghilas, dessinateur de presse – France
Ait Ali Hakim, universitaire – France
Ait Bachir Ahmed, retraité – France
Ait Bachir Mahmen, entrepreneur- France
Ait Ouferoukh Mouloud, Engineering Document Controller / Document Management Lead – Canada
Akrouf Sanhadja, militante féministe- France
Aktouf Omar, PhD, Professeur titulaire honoraire – HEC Montréal – Canada
Allal Tewfik, militant associatif – France
Amar Khodja Youcef, ingénieur – France
Amarouche Belkacem, juriste en droit européen – Belgique
Ameur Faiza, analyste informatique – Canada
Ammour Ghenima, poétesse – France
Arabi Mohand, enseignant – Canada
Arbane Samir, directeur d’approvisionnement – Canada
Baghdad Djamel, docteur en chimie – Canada
Bakir Mohand, citoyen – France
Baouz Tassadit, retraitée- ancienne membre de la Fédération de France du FLN – France
Baraka Malika, médecin cardiologue – France
Beddiari Salah, écrivain – Canada
Belhadj Mohamed, médecin – Canada
Ben Mamar Ouerdia, enseignante – France
Benamara Amara, chauffeur de taxi – France
Benani Radia, entrepreneure – Canada
Benchenouf Djameledine, journaliste – France
Benhaddadi Rachid, professeur – Canada
Benhadj Karim, ingénieur – Canada
Benhami Lyazid, écrivain – France
Bensadek Aziz, militant associatif – France
Bensadek Tayeb, fonctionnaire à la retraite- Canada
Benyounes – Khaled, retraité – France
Bouaou Krimo, ingénieur – Canada
Bouraoui Amira, médecin gynécologue – France
Bouteldji Ahmed, ingénieur mécanique – France
Chabanis Malika, médecin – Canada
Challal Hamid, économiste – France
Chemrouk Azwaw, gestionnaire – France
Cherbi Massensen, constitutionnaliste – Tunisie
Chetouani Youcef, géologue – France
Chikhoune Abdelmoumene, commerçant – Autriche
Dahal Bachir, juriste – France
Dermouche Adem, étudiant – France
Derridj Rani, retraité – France
Dirèche Karima, historienne, directrice de recherche CNRS – France
Djamer Belaïd, entrepreneur – France
Djebaili Lyes, ingénieur économiste – France
Djouaher Saliha, enseignante – Canada
Dutour Nassera, présidente du CFDA – France
Esseghir Amine, écrivain – Canada
Farrah Raouf, chercheur en géopolitique – Tunisie
Gasmi Hocine, journaliste – France
Haddad Nacer, retraité – France
Hadj-Moussa Ratiba, professeure en sociologie – Université de York Toronto – Canada
Hadjabi Wassyla, diplômée en biochimie et en relations industrielles – Canada
Halimi Jihed, informaticien – Canada
Hamaoui Ines, militante associative – France
Hammachin Rabah, professeur d’université – Canada
Hamourit Omar, historien – France
Hannache Zaki, lanceur d’alerte et défenseur de droits humains – Canada
Haouchine Ali, politologue – Canada
Hareb Khelifa, fonctionnaire – Canada
Hassani Louenas, écrivain – Canada
Hidouci Ghazi, ancien ministre de l’Économie – France
Ighemat Arezki, professeur d’économie à la retraite – USA
Ikken Sofiance, inspecteur social – Canada
Kaci Lounas, retraité – Canada
Kaci Mehdi, spécialiste de la qualité des données – USA
Kaidi Ali, écrivain et journaliste – Canada
Kermiche Saad, expert en évaluation des risques – Canada
Kezouit Omar, chercheur en histoire décoloniale et sociale – France
Khalfoune Tahar, maître de conférences en droit public, Université Lyon 3 – France
Kichou Ali, plasticien – Canada
Lahouazi Ilyes, chef avion – France
Lellou Hamid, analyste dans la résolution des conflits et médiateur certifié – USA
Mahiou Ahmed, ancien doyen de la faculté de droit d’Alger et ancien directeur de l’IREMAM – France
Mansouri Khaled, fonctionnaire à la banque – Canada
Mechakra Asma, Chercheuse scientifique – Suisse
Mekdam Ahviv, professeur des écoles – France
Mettouchi Hanane, interprète-traductrice judiciaire – France
Mohammedi Adlene, chercheur et enseignant en géopolitique – France
Moktefi Kamel, toxicologue – Canada
Moulla Rabah, enseignant – Canada
Ouali Abdelghani, profession libérale – France
Oualli Mohand, responsable associatif – France
Ouchiha Abdelkader, professionnel de la santé – Canada
Oulamara Aomer, physicien, écrivain – France
Ourad Meziane, journaliste – France
Outerbah Chafia, cadre administrative – France
Rabia Lyes, médecin – France
Rezzoug Youcef, journaliste – France
Saada Karim, artiste musicien – Canada
Saïghi Djaballah, ingénieur – Canada
Salhi Mourad, expert et spécialiste international en sécurité ferroviaire – Suisse
Salhi Said, défenseur des droits humains- France
Saoudi Rabah, enseignant, écrivain – France
Seniguer Haoues, maître de conférences en sciences politiques – Sciences Po Lyon – France
Seridj Mélinda, doctorante en histoire – France
Serkhane Salim, journaliste – Royaume-Uni
Si Ahmed Sidi Menad, expert des Nations Unies pour le climat – Autriche
Sidhoum Hakim, directeur web et ecommerce – Canada
Takesri Tahar, électronicien – Canada
Talahit Fatiha, économiste – chercheuse CNRS – France
Tamene Zineb, avocate – France
Tiza Fatma, enseignante – Canada
Yahi Khelifa, ingénieur – France
Yahiaoui Aomar, enseignant – Canada
Ziane Farida, maître en communications publiques – Canada
Zirem Youssef, écrivain .