La mort de Mohammed Abou Hattab dans un bombardement israélien à Gaza a fait exploser la colère et le désespoir de l’un de de ses confrères. « Nous n'en pouvons plus, nous sommes épuisés. Nous sommes des victimes (...). Nous sommes tués les uns après les autres », a lancé le journaliste Salman Al-Bashir lors de l'annonce du décès en direct sur Palestine TV.
Cela fait désormais plus de trois semaines que la bande de Gaza est plongée dans un déluge de feu. Depuis le 7 octobre, l'armée israélienne mène une opération militaire d'une ampleur inédite sur ce territoire exigu où s'entassent 2 millions de Palestiniens. Les frappes aériennes et tirs d'artillerie se succèdent, jour et nuit, dans un vacarme assourdissant. Selon le dernier bilan, ces bombardements ont déjà fait plus de 9000 morts, dont 4000 enfants au moins.
Dans ce chaos, les journalistes palestiniens tentent de remplir leur mission : informer sur l'enfer quotidien des habitants. Au péril de leur vie. Depuis le début de l'offensive israélienne, au moins 34 reporters ont été tués à Gaza alors qu'ils couvraient les frappes.
Le dernier en date s'appelait Mohammad Abu Hattab. Ce journaliste connu de Palestine TV a trouvé la mort ce jeudi 2 novembre avec sa famille dans le bombardement de sa maison à Khan Younès dans la bande de Gaza. La nouvelle endeuille la profession, mais n'entame pas la détermination des reporters à poursuivre leur devoir d’informer.
C'est avec courage et les larmes aux yeux que le confrère de Mohamed, Salman Al-Bashir, annonce le décès en direct sur Palestine-TV. Face caméra, il laisse éclater sa colère et son désarroi face à l'absurdité de ces morts. « Nous n'en pouvons plus, nous sommes épuisés. Nous sommes des victimes. La seule différence entre nous est l'heure du décès », lâche-t-il, la gorge nouée par l’émotion.
Submergé par la rage, il arrache alors le gilet «Press » qu'il porte, cette ultime protection dérisoire face aux bombes. Il le jette au sol et s'exclame : «Et personne ne se soucie de la catastrophe ou du crime que nous subissons à Gaza. Aucune protection pour personne ni pour quoi que ce soit. Cet équipement ne protège aucun journaliste, ce ne sont que des slogans vides de sens».
La voix de Salman se brise. «Nous sommes des victimes, en direct à l'antenne. Nous sommes des victimes qui attendons notre tour d'être tués », sanglote-t-il. «Mohamed était encore parmi nous il y a une heure à peine », ajoute-t-il, la mort dans l'âme.
Mais ni la peur ni le deuil ne doivent entamer la volonté des journalistes de Gaza. Ils savent qu’ils doivent continuer à informer, au péril de leur vie, avec la peur désormais chevillée au corps de savoir qui sera le prochain sur la liste.
Sophie K.
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