
Lorsqu'il a été amené à la prison de Tiflet 2, à l'est de Rabat, Mohamed Lamin Haddi était un jeune homme de 20 ans plein d’énergie et en bonne santé. Aujourd'hui, ce n’est plus le même homme. Mohamed est emprisonné au Maroc depuis 2010 !
Isolement, abus, tortures…Ce journaliste et défenseur des droits humains a enduré des années de terribles souffrances aux mains des autorités marocaines. Il ne voit pas bien d'un œil. Il a des douleurs au niveau de la gorge car on l’a suspendu par le cou. Et il est affaibli à cause de sa grève de la faim, souvent le seul moyen pour les prisonniers comme Mohamed de protester contre leur détention inhumaine.
Journaliste, il défendait avec conviction le droit à l'autodétermination de son peuple au Sahara occidental.
Lorsque Mohamed est né en 1984, la majeure partie du Sahara occidental était déjà occupée illégalement par le Maroc depuis près de 10 ans, et des milliers de Sahraouis avaient été poussés à l'exil en Algérie voisine, où ils vivent encore dans des camps de réfugiés.
Mais la famille de Mohamed n'est pas partie. Il a grandi à El Aaiun, une ville du Sahara occidental, et a ressenti dès son plus jeune âge l'injustice de l'occupation.
Il a commencé à militer alors qu'il était étudiant, et à l'adolescence, il a été expulsé de son école.
Sa carte d’identité porte désormais le tampon des autorités : la marque de son appartenance à l'opposition sahraouie à la domination marocaine. Aussi, il lui a été difficile de trouver un emploi.
Parfois, Mohamed travaillait comme chauffeur de taxi, puis il a trouvé la carrière qui allait le conduire derrière les barreaux et lui valoir une peine de prison de 25 ans, le "journalisme" !
Chaque jour, ils courait d’énormes risques pour faire connaître les histoires des Sahraouis à un plus grand nombre.
Mohamed Lamin Haddi travaillait pour RASD Radio, la station de radio du gouvernement en exil du Sahara occidental du Front Polisario. Souvent suivi et arrêté par les services de sécurité marocains, Mohamed savait garder son sang-froid et protégeait ses contacts.
En octobre 2010, des Sahraouis ont édifié, à une quinzaine de kilomètres d'El Aaiun, le camp de protestation de Gdeim Izik pour mettre en lumière les discriminations, la pauvreté et les abus qui touchent encore aujourd’hui la communauté. En quelques jours, un océan de tentes a surgi de terre et 20 000 personnes se sont rassemblées. Mohamed réalisait alors des reportages pour RASD Radio.
Pendant ce temps, les forces de sécurité marocaines observaient la situation.
Puis, le 8 novembre 2010, après avoir expulsé tous les observateurs internationaux de la région, la police et l'armée ont commencé à démanteler le camp.
Les Sahraouis ont résisté. "De violents affrontements ont éclaté : les Marocains ont utilisé des armes à feu et des canons à eau contre les manifestants. Des centaines de Sahraouis ont été placés en détention. Beaucoup sont morts, des dizaines ont été blessés." comme le témoignent des militants des droits Humains.
Dans les jours qui ont suivi, Mohamed a pris de grands risques : il a continué à recueillir des témoignages et à décrire les émeutes alors en cours pour son audience. Et il a voulu, très concrètement, prêter main forte, en apportant notamment une assistance médicale.
Les Sahraouis qui avaient été blessés lors de l'expulsion du camp ne pouvaient pas se rendre à l’hôpital car ils auraient été arrêtés par les autorités marocaines. Mohamed a accepté de servir de guide à deux médecins belges qui s’étaient proposés pour soigner les blessés par balle à leur domicile.
Le 20 novembre 2010, alors qu’il s’apprêtait à rencontrer des médecins, Mohamed a été arrêté par des agents des services de renseignement marocains.
Après avoir été soumis à de nombreux abus et tortures en détention, il a été condamné à 25 ans de prison. Reconnu coupable d' « actes violents » contre les autorités marocaines, « avec l’intention de tuer », Mohamed a nié les accusations, affirmant que ses aveux avaient été obtenus sous la contrainte et que les preuves contre lui avaient été falsifiées.
Mohamed Lamin Haddi est incarcéré depuis près de 12 ans. Hormis les mauvais traitements qu’il subit régulièrement en prison, il n’a pas vu sa famille depuis septembre 2018. Les appels chez lui sont irréguliers – ce n’est que récemment qu’il a été autorisé à passer un très court coup de fil hebdomadaire.
La Rédaction
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