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Les Tempêtes: Chronique d’un massacre annoncé

Les Tempêtes: Chronique d’un massacre annoncé

Dans les méandres d'une mémoire déchiquetée, le cinéma devient un miroir fracturé où se reflètent les blessures d'une nation. “Les Tempêtes”, premier long-métrage de Dania Reymond-Boughenou, est bien plus qu'un simple récit - c'est un exorcisme cinématographique qui fait trembler les silences de la décennie noire algérienne.

 

Imaginez une terre où la mémoire ne meurt jamais, où les morts marchent encore parmi les vivants, portés par des grains de sable jaune qui saturent l'écran comme autant de souvenirs inassouvis. Nacer, journaliste et veuf endeuillé, incarne cette quête existentielle de vérité, naviguant entre réalité et fantômes.

 

Sa femme Fadjr, assassinée lors d'un faux barrage terroriste, devient plus qu'un spectre - elle est le symbole d'une génération mutilée, d'une histoire nationale dont les cicatrices suintent encore. Sa résurrection cinématographique n'est pas un artifice, mais un cri silencieux contre l'oubli programmé.

 

La métaphore comme langage de la douleur

 

Reymond-Boughenou ne raconte pas l'histoire - elle la fait résonner. La poussière jaune n'est pas qu'un effet visuel, c'est un personnage à part entière, une métaphore vivante qui dépose ses couches de mémoire sur un paysage traumatisé. Chaque grain est un fragment de histoire, chaque rafale de vent un murmure des disparus.

 

Le film oscille entre réalisme et fantastique, comme l'Algérie elle-même hésite entre le souvenir et l'amnésie. Les tempêtes deviennent des métaphores existentielles : frontières mouvantes entre vie et mort, entre justice et oubli.

 

Témoigner ou disparaître

 

“Nous devons laisser les morts en paix”, dit-on. Mais le film pose la question inverse : et si ce sont les morts qui ne nous laissent pas en paix ? Chaque personnage - Nacer, son frère médecin Yacine, Fadjr - porte en lui cette injonction impossible : faire son deuil sans trahir la mémoire.

 

La cinéaste, partie d'Algérie en 1994, transforme son exil en regard cinématographique. Son film n'est pas un documentaire, c'est une autopsie poétique d'une plaie nationale, un territoire où le réel se déchire et où l'indicible trouve enfin sa voix.

 

“Les Tempêtes” n'est pas un film qu'on regarde, c'est un film qu'on traverse. Un voyage aux frontières de la douleur collective, où chaque plan est un dialogue avec les fantômes, chaque séquence une tentative de réconciliation avec un passé qui ne passe pas.

 

La réalisatrice rejoint ainsi une génération de cinéastes qui font du septième art un lieu de mémoire et de résistance. Un cinéma qui ne cherche pas à expliquer, mais à faire ressentir - à faire vibrer les silences, à donner corps aux absences.

 

Sophie K.

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