Dans un revirement spectaculaire qui a secoué le paysage médiatique algérien, le journaliste El Kadi Ihsane a retrouvé sa liberté dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 2024. Cette libération, aussi inattendue que symbolique, intervient après près de deux ans d'une détention qui avait suscité une vague d'indignation internationale.
Contre toute attente, le président Abdelmadjid Tebboune a inclus le fondateur des sites Radio- M et Maghreb Émergent dans une grâce présidentielle touchant 4000 détenus, à l'occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Une décision qui résonne comme un coup de théâtre dans une affaire qui semblait sans issue, particulièrement depuis le rejet du pourvoi en cassation en octobre 2023.
L'histoire d'El Kadi Ihsane illustre les défis auxquels font face les journalistes indépendants en Algérie. Arrêté le 24 décembre 2022 à son domicile de Zemmouri, il était accusé de “réception de fonds de l'étranger” visant à “porter atteinte à la sécurité de l'État”. Des accusations vivement contestées par sa défense, qui a toujours maintenu que les fonds provenaient simplement de sa fille Tinhinane, actionnaire des médias et résidente au Royaume-Uni.
Une escalade judiciaire jusqu'à l'improbable dénouement:
Au fil des mois, le parcours judiciaire du journaliste avait pris une tournure particulièrement préoccupante. Condamné initialement à 5 ans de prison dont trois ans fermes, il avait vu sa peine aggravée en appel à 7 ans dont cinq ans ferme. La justice avait également ordonné la dissolution de sa société Interface Médias, éditrice des deux sites d'information, accompagnée de la saisie de son matériel, une décision qui fut confirmée en juin 2024. Un premier signe d'espoir était toutefois apparu le 5 juillet 2024, lors de la célébration de l'indépendance, lorsqu'El Kadi Ihsane avait bénéficié d'une réduction de peine de 24 mois.
Aujourd’hui, si cette libération surprise constitue indéniablement une victoire pour la liberté de la presse, elle soulève également de nombreuses questions sur l'avenir du journalisme indépendant en Algérie. La dissolution maintenue d'Interface Médias rappelle que les obstacles structurels à l'exercice d'un journalisme libre persistent. Néanmoins, cette décision inattendue pourrait marquer un tournant dans les relations entre l'État et les médias indépendants.
Sophie K.
Comments