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Liberté de la presse en Tunisie : un combat menacé et des voix réprimées

Une enquête récente menée par le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme a mis en lumière une détérioration alarmante de la liberté de la presse en Tunisie. Des journalistes de renom ont été arrêtés, poursuivis et victimes de violences, tandis que des médias indépendants ont été contraints de fermer.

 

Depuis l'ère du régime autoritaire de Ben Ali jusqu'à aujourd'hui, la Tunisie a connu une évolution significative en matière de liberté de la presse. La chute du régime en 2011 a ouvert la voie à de nouvelles opportunités pour les médias et a suscité l'espoir d'une presse libre et indépendante. Cependant, la réalité actuelle témoigne d'un environnement complexe où la liberté de la presse est encore mise à l'épreuve.

 

Une enquête récente menée par le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme a mis en lumière une détérioration alarmante de la liberté de la presse en Tunisie. Des journalistes de renom ont été arrêtés, poursuivis et victimes de violences, tandis que des médias indépendants ont été contraints de fermer.

 

L'affaire de Noureddine Boutar, directeur et fondateur de Mosaïque FM, la principale radio privée indépendante du pays, est un exemple frappant de cette répression croissante.

 

Arrêté le 13 février 2023 et incarcéré le 20 février 2023 sous des accusations de « corruption », Boutar a été libéré le 25 mai 2023 après avoir versé une caution de 1 million de Dinars tunisiens. Cependant, cette arrestation soulève des interrogations quant à d'éventuelles motivations politiques visant à réduire au silence les voixcritiques.

 

Les journalistes Elyes Gharbi, Haythem Mekki et Zied Krichene, qui animent l'émission politique phare de Mosaïque FM, « Midi-Show », ont également été la cible de poursuites et d'accusations infondées. Gharbi et Mekki ont été poursuivis par un syndicat de policiers pour « avoir remis en question le mode de recrutement des forces de police après l'attentat terroriste de Jerba en mai 2023 ».

 

De plus, Krichene, rédacteur en chef du quotidien indépendant Le Maghreb, a été publiquement accusé par le président K. Saïed d' « avoir des liens avec l'opposition », sans preuves tangibles pour étayer cette affirmation.

 

Un autre cas inquiétant concerne Mohamed Fourati, rédacteur en chef du journal Al-Fajr et membre du conseil de la Choura, qui a été convoqué pour une enquête le 11 mars 2023 et incarcéré le lendemain avec une interdiction de voir son avocat pendant 48 heures. Les détails de cette affaire restent flous, mais Fourati est présumé « avoir manipulé l'opinion publique en diffusant des rumeurs visant à blanchir des personnes accusées de corruption et de complot contre la sécurité de l'État ».

 

Ces cas ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Ahmed Jouini, journaliste à la télévision Al Ghad, a été arrêté le 27 décembre 2022 pour avoir filmé sans autorisation. Son matériel a été confisqué par la police, qui a ensuite effacé l'enregistrement. Ghassen Ben Khelifa, rédacteur en chef du site Inhiyaz, a été arrêté à son domicile le 6 septembre 2022, ses ordinateurs ont été saisis et sa maison a été fouillée.


Quand la répression prend forme : la violence policière

 

Les atteintes à la liberté de la presse vont au-delà des procédures d’arrestation et des poursuites judiciaires. Malheureusement, elles s’étendent également aux actes de violence perpétrés par les forces de l’ordre. Ces actes de violence peuvent prendre différentes formes, allant des agressions physiques lors de manifestations aux brutalités policières envers les journalistes dans l’exercice de leur travail.

 

Selon le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme, des professionnels tels qu’Aroua Baraket et Kahoula Boukrim ont été agressés par des policiers lors de manifestations, tandis que d’autres, comme Seif Koussani et Tarek Laâbidi, ont été conduits au commissariat simplement pour avoir couvert des événements d’intérêt public.

 

Mohamed Fourati, rédacteur en chef du journal Al-Fajr, a, lui aussi, été confronté à une répression sévère. Convoqué pour une investigation par l'unité nationale d'investigation des crimes terroristes le 11 mars 2023, il a été incarcéré le lendemain sans pouvoir consulter son avocat pendant 48 heures.

 

Les détails de l'affaire sur la base desquels Fourati a été convoqué restent flous, mais il aurait été accusé de « manipulation de l'opinion publique en diffusant des rumeurs visant à blanchir des personnes accusées de corruption et de complot contre la sûreté de l'État ».

 

D’autres journalistes, tels que Monia Arfaoui, Mohamed Boughaleb, Nizar Bahloul, Amer Ayad, Khalifa Gasmi, ont aussi été victimes d’arrestations arbitraires, de poursuites judiciaires ou de violences physiques de la part des forces de l’ordre.

 

La répression s'étend également aux figures engagées dans la défense des droits et de la liberté de la presse. Mahdi Jelassi, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), est convoqué devant la justice pour « incitation à la désobéissance et voies de fait sur agent public ». Il est poursuivi en raison de sa couverture médiatique de la manifestation du 18 juillet 2022 contre le référendum.

 

Il est également « préoccupant », selon Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme, de constater que même les journalistes travaillant pour des médias internationaux, tels que Mathieu Galtier, correspondant de Libération et collaborateur de Jeune Afrique, ont été violemment agressés par les forces de police lors de la couverture de manifestations.

 

Le coup d’État du président tunisien, point de départ de la répression

 

La répression croissante contre toute forme d’expression en Tunisie a atteint un point critique au lendemain du « coup d'État » du président Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021. Les bureaux de la chaîne de télévision Al Jazeera à Tunis ont été encerclés puis fermés par les forces de l’ordre. Aucune justification n’a été fournie pour cette mesure draconienne.

 

Les mesures prises par le président Tunisien, telles que la suspension du Parlement, le limogeage du premier ministre et la reprise du pouvoir judiciaire, ont créé un climat délétère.


Aussi, la crainte des conséquences, qu'elles soient juridiques, physiques ou professionnelles, a forcé nombrede journalistes tunisiens à se plier à l'autocensure, muselant ainsi la diffusion de leurs reportages, enquêtes et commentaires sur des sujets brûlants. Néanmoins, défiant ces pressions étouffantes, certains persistent encre aujourd’hui, à accomplir leur devoir, bravant ainsi le risque imminent d'arrestation. Un exemple récent est celui du journaliste Zied El Heni, arrêté puis relâché en juin dernier, puis relâché le lendemain, après avoir ironiser sur un article du code pénal relatif au délit d'outrage au chef de l'État, en l’occurrence Kais Saïed.



SOPHIE K

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