Le 21 novembre 2024, le gouvernement algérien a pris une décision significative : limiter l'exportation de devises à 7 500 euros par an. Un choix qui intervient dans un contexte économique tendu, où Soufiane Djilali dénonce que « le marché noir de la devise est florissant » et que « la monnaie nationale de plus en plus faible s'échange à des taux à plus de 80% plus chers que le taux bancaire ».
Analysant en profondeur les implications de cette mesure, il pointe que « l'existence de ce double marché, l'un officiel, l'autre informel, est le résultat naturel d'une économie improductive, administrée et rentière ».
Historiquement, le système s'est construit sur des mécanismes complexes. Djilali rappelle que « pendant longtemps, le secteur informel était alimenté avec la devise des travailleurs émigrés. Puis, peu à peu, les surfacturations à l'importation ont explosé ».
Le mécanisme était ingénieux : les importateurs payaient à l'avance et en cash, « palliant ainsi à toute éventuelle défaillance de paiement de factures dues aux changements intempestifs des lois régissant le commerce extérieur ». Parallèlement, ce système offrait aux détenteurs de capitaux la possibilité « d'investir à l'étranger (achat d'immobilier en Europe, financement des études des enfants, voire investissement économique) ».
Le système atteignait ses limites. Il souligne que « la convertibilité commerciale qui avait cours depuis les années 90 du siècle dernier, ouvrait une brèche pour une fuite des capitaux qui prenait de l'ampleur et qui risquait de saigner à blanc le trésor public et affaiblir encore plus la monnaie nationale ».
Les symptômes de cette maladie économique sont multiples : « Niveau d'importation excessif, envahissement du marché national par des produits de faibles qualités mais permettant d'importantes marges bénéficiaires, affaiblissement du dinar d'où la pression inflationniste et perte du niveau du pouvoir d'achat et trop souvent trafics en tous genres ».
Le gouvernement, « engagé par ses promesses politiques et sa lutte officielle contre l'oligarchie prédatrice », se devait d'agir. Mais Djilali prévient : « Comme le dit si bien l'adage, l'enfer est pavé de bonnes intentions ».
Sa critique médicale est cinglante. « En médecine, il est fortement déconseillé de s'attaquer aux symptômes sans agir sur l'étiologie, c'est-à-dire l'origine du mal ». « Malheureusement, le gouvernement veut empêcher le résultat d'un système tout en renforçant ce dernier. En bloquant la 'toux' sans réduire les causes infectieuses de l'inflammation des bronches, nous causons l'étouffement du malade ».
Les conséquences sont dramatiques : « Parmi les premiers effets d'une telle politique est le déplacement, à terme, du marché parallèle vers l'étranger ». Les devises seront acquises directement hors du pays, « ne rentreront plus dans les comptes bancaires algériens ».
La confiance, élément crucial de toute économie, sera ébranlée : « Sans confiance, pas d'économie. Au mieux l'argent sera thésaurisé, au pire exporté par d'autres moyens ».
Les perspectives sont sombres : « L'investissement national reculera, l'immobilier baissera, l'élite économique du pays s'exilera, les citoyens connaîtront les pénuries et… le ressentiment ».
Il pointe une mentalité bureaucratique déconnectée : « Au lieu de créer les conditions de la confiance, d'encourager les investisseurs, de baisser les charges administratives, de limiter l'interventionnisme étatique et de prendre en charge la régulation du marché, toutes mesures qui auraient vu le retour des capitaux dans le pays, les mesures actuelles auront, sans doute aucun, l'effet inverse ».
Sa conclusion est un avertissement : « L'entêtement de nos dirigeants à croire qu'ils peuvent décider à partir de leur bureau et de leurs illusions du comment doit fonctionner une économie en dehors de toute réalité de marché provoquera tôt ou tard l'effondrement du pays ».
Sophie K