
Le décès de Gilles Perrault, homme singulier, vient à être annoncé.
Journaliste, écrivain, historien, scénariste, et défenseur de diverses causes, il s'éclipse de ce monde à l'âge vénérable de 93 ans.
Il fut l'audacieux précurseur qui, pour la première fois dans l'histoire, osa dévoiler la véritable nature du Roi Hassan II en exposant au grand jour ses méthodes dictatoriales sous le voile trompeur de l'« Éclairé ».
À travers son regard perspicace, il révéla au monde l'atroce réalité du bagne de Tazmamart et les indicibles tourments endurés par Brahim SERFATI, l'éminent prisonnier d'opinion longtemps emprisonné dans les sinistres cachots royaux.
Son ouvrage intitulé « Notre ami, le roi » retentit tel un éclair fulgurant dans le firmament parisien ainsi que dans les autres cités occidentales.
En un instant, le roi Hassan II se dépouille de tout artifice pour dévoiler sa terrifiante réalité en tant qu'artisan de la chute des militants démocrates marocains.
L'auteur n'hésite pas à détailler avec une acuité saisissante, allant jusqu'à décrire ses penchants vestimentaires déplaisants.
Le livre, chargé de ces révélations captivantes, engendra une crise diplomatique de longue durée entre Rabat et Paris, qui persista durant toute une année.
Le véritable talent de Gilles Perrault se révèle au grand jour lors de la publication de l'ouvrage intitulé sobrement « Un Homme à Part ».
Dans ces pages, il offre au monde une plongée saisissante dans la vie d'un homme hors du commun, Henri Curiel.
Cet éminent révolutionnaire égyptien, fondateur des partis communistes égyptien et soudanais, partagea l'ombre des geôles avec les pionniers des Frères musulmans, allant même jusqu'à observer le jeûne du Ramadan en signe de solidarité envers ces croyants.
Doté du talent d'un conteur exceptionnel et de la rigueur d'un historien aguerri, Perrault retrace avec finesse l'épopée d'Henri Curiel.
Banni par Djamel Abdennasser, Curiel devient apatride, trouvant refuge en France où il embrasse la cause de l'indépendance algérienne. Il s'associe à Janson pour orchestrer le transfert discret de valises d'argent vers les confins suisses, une opération menée au nom de l'idéal.
Cependant, les chaînes de la captivité le rattrapent lorsque la police française le fait prisonnier, scellant ainsi un destin marqué par la lutte et les épreuves.
À l'aube de l'indépendance de l'Algérie, Curiel persiste dans sa quête. Inlassable défenseur de la libération des nations du Tiers-monde et fervent soutien de la cause palestinienne, lui qui est juif, il s'engage avec détermination dans les rangs des justes.
À titre anecdotique, il est à noter qu'en 1963, Curiel entreprend un voyage jusqu'à Alger pour rencontrer Ben Bella, qui le reçoit avec les égards de la présidence.
Au cours de cet entretien, Curiel sollicite des fonds auprès de Ben Bella pour soutenir les mouvements de résistance en Afrique.
Bienveillant, Ben Bella remplit alors une valise de précieuse monnaie qu'il lui remet. Cependant, l'étonnement se lit sur le visage de Curiel, qui s'inquiète de la façon dont il pourra franchir les contrôles douaniers avec une telle somme.
Là, Ben Bella, d'un geste élégant, sort une carte de visite de sa poche et la tend à Curiel avec un sourire malicieux. « Si d'aventure ils venaient à d'intercepter », explique-t-il d'une voix posée, « tu n'auras qu'à leur présenter cette carte ». Une carte de visite qui, en un simple mouvement, scellait le dénouement d'une situation délicate.
Repéré par le MOSSAD au même titre que l’Algérien Mohamed BOUDIA, le 4 mai 1978, un commando de deux hommes s'introduit dans la cour de l'immeuble dans lequel il réside, 4, rue Rollin à Paris.
À 14 heures, Henri Curiel descend pour se rendre à son cours de yoga. Il est abattu au pied de son ascenseur de quatre balles de pistolet.
La rédaction