« Le massacre de Bentalha » est un massacre qui s'est déroulé à Bentalha, à environ 15 kilomètres au Sud d'Alger, en Algérie, dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997. Il a fait plus de 400 victimes. Ni les enfants et les femmes ne sont épargnés.
Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, à Bentalha, a lieu l’un des massacres de civils les plus sanglants de la « sale guerre » algérienne. C’est le troisième de cette ampleur depuis la fin du mois d’août. Des familles entières sont égorgées et les assaillants, non identifiés, s’appliquent à montrer le plus possible de cruauté. Officiellement, il s’agit des islamistes en lutte contre le pouvoir; mais la population locale accuse l’armée d’avoir laissé faire, et même d’avoir commandité la tuerie. (Source https://web.archive.org/web/20031013192343/http://web.amnesty.org/library/Index/ENGMDE280361997?open&of=ENG-DZA)
Ce massacre a été rendu célèbre par la photographie de Hocine Zaourar intitulée La Madone de Bentalha, surnommée aussi à l'époque de sa parution la Pietà algérienne ou la Madone algérienne. Elle a été prise le 23 septembre 1997 à l'hôpital de Zmirli, près d'Alger, pour le compte de l'AFP. L'impact sur l'opinion publique est immédiat et mondial.
Cette photographie devient un symbole de la tragédie algérienne et fait la Une de 755 journaux, et elle remporte le World Press Photo en février 1998, récompense suprême de la photographie
Le cliché, qui circule accompagné de fausses légendes, incarne dès lors toute la souffrance des civils dans le conflit algérien. En Algérie, l'accueil réservé au cliché est différent, Hocine Zaourar, accusé de ternir l'image du pays, est la cible d'une campagne de dénigrement de la part du monde politique et médiatique, notamment en raison de la légende accompagnant la photo et qui explique que la femme a perdu ses huit enfants, ce qui s'est par la suite révélé faux. (Source: « L'encombrante "Madone" d'Hocine Zaourar », Le Monde.fr, 6 octobre 2005 (lire en ligne [archive] ).
En effet, lorsque Hocine Zaourar obtient le prix World Press Photo en 1998 pour ce cliché, le pouvoir algérien saisit cette occasion pour sortir de l’anonymat la femme photographiée, Oum Saâd, et la pousse à intenter un procès à l’AFP et au photographe pour « diffamation et exploitation mercantile de la souffrance humaine ».
La Madone de Bentalha est aujourd’hui encore un symbole atemporel, un véritable lieu de mémoire des massacres contemporains.
Il fallait l’analyse éclairée de Juliette Hanrot pour saisir ce mythe et sa portée : le regard des sociétés occidentales contemporaines sur les violences extrêmes et sur cette photographie de guerre, vierge de sang.
« La persistance du stéréotype de cette mère orpheline de ses huit enfants, alors même qu’Oum Saâd pleure son frère, sa belle-sœur et son neveu, confirme qu’elle est bien, pour les regards occidentaux, une pietà, une Vierge de douleur. », souligne l'auteure.
Moins de quarante-huit heures après le massacre de Bentalha, l'ensemble de la presse algérienne a publié l'appel de Madani Mezrag
L'année 1997 est la plus meurtrière pour la population civile, victime de véritables campagnes de massacres par les groupes armés, dont le GIA. Plusieurs centaines de personnes (femmes, enfants, personnes âgées, familles…) sont assassinées à chaque tuerie. On estime le total des assassinats à plus de 40 000 pour la seule année de 1997. Face à ces massacres, l'Armée islamique du salut annonce une trêve sans conditions avec le gouvernement algérien (trêve à laquelle le FIS est opposé).
Dans un appel daté du 21 septembre 1997, et publié par la presse algérienne, le 24 septembre, l'« émir national » de l'Armée islamique du salut (AIS), Madani Mezrag, a ordonné à ses troupes d'arrêter « les opérations combattantes » à compter du 1e octobre 1997. Il justifie cet appel par les « mesures d'apaisement » prises par le pouvoir. Les obsèques des victimes du massacre commis dans la nuit du 22 au 23 Septembre à Bentalha, ont eu lieu la veille de la publication de l'appel. Officiellement, la tuerie aurait fait 85 morts mais, selon différents témoignages, le nombre des tués serait plus proche de 200. Dans des quartiers populaires d'Alger, la population vit dans l'angoisse quotidienne de nouveaux massacres.
En décembre 1997, un ouvrage publié par les éditions La Découverte, compilation des divers rapports d’ONG, débouche, sur une demande d’enquête internationale
Une enquête sur les massacres en Algérie pouvait être envisagée sans avoir à recourir à la fiction de l’«ingérence». L’Algérie s’est en effet liée juridiquement à l’éventualité d’une commission en reconnaissant, le 16 août 1989, la compétence d’une commission d’enquête susceptible d’établir la réalité de faits allégués être des infractions graves aux conventions de Genève de 1949, c’est-à-dire de crimes de guerre. Il s’agit de la Commission internationale d’établissement des faits (CIEF). Son président était le professeur néerlandais Frits Kalshoven, naguère président de la commission ad hoc créée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour enquêter sur les crimes commis en ex-Yougoslavie. Son premier vice-président était algérien. Son site Internet était animé depuis Alger !
Tous les observateurs notent que le déchaînement de violence a fait immédiatement suite à la libération du chef historique du Front islamique du salut (FIS), Abassi Madani, le 18 juillet 1997, après six ans d’incarcération. Dès le lendemain, 56 personnes étaient égorgées et mutilées dans plusieurs hameaux de la région de Hadjout (ex-Marengo), à 50 kilomètres au sud-ouest d’Alger.
Ainsi commençait l’effrayante sarabande meurtrière ; elle allait se poursuivre durant des semaines et atteindre son hallucinant point d’orgue la nuit du 28 août lorsque, à Sidi Raïs, près d’Alger, quelque 300 personnes (femmes, enfants, vieillards, nouveau-nés) furent égorgées, éventrées, dépecées à la hache et brûlées vives au cours du plus horrible massacre que l’Algérie ait connu depuis 1991.
Au fil des massacres, on pourrait croire que l’Algérie entière est plongée dans un bain de sang. Il n’en est rien. Certaines villes et régions du pays échappent jusqu’ici au pire. Fuyant la violence terroriste, la peur des bombes et des assassinats, de nombreuses familles d’Alger et de la région de la Mitidja (dans l’Algérois) y ont trouvé refuge à Annaba, Skikda et Bejaia.
Après que de nombreuses pressions internationales se sont manifestées, l'Union européenne envoya deux délégations, l'une d'elles menée par Mário Soares, pour visiter l'Algérie et enquêter sur les massacres au premier semestre de 1998 ; leurs rapports condamnèrent les groupes islamistes armés.
En septembre 2005 est voté en Algérie la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Deux articles de l'ordonnance d'application de la Charte interdisent désormais toute poursuite et condamnent les familles de victimes à renoncer à toute velléité de justice.
L'article 45 stipule ainsi qu'« aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues (…). Toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l'autorité judiciaire compétente ». L'article 46 précise qu'« est puni d'un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d'une amende de 250 000 dinars à 500 000 dinars, quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'État, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international ».
De nombreuses associations civiles contestent ces lois, particulièrement des associations de familles ayant perdu des proches ou ayant des proches disparus.
Maître Ali Merabet, représentant de l'association Somoud, qui lutte pour une justice envers les victimes et les familles des victimes du terrorisme durant cette décennie et dont les deux frères ont été tués par un groupe armé en 1995 énonce après la promulgation de la loi d’amnistie en 2006 : « Pour moi le problème n’était pas l’État, mais le terroriste, l’islamiste qui était mon voisin à qui je n’ai jamais fait de mal mais qui m’en a fait. Mais on a réalisé avec cette loi, que l’État et les terroristes ont fait un deal entre eux… Si la personne responsable du meurtre de mes frères est protégée par l’État qui est le vrai agresseur ? ».
Depuis l'amnistie de 2005, les services de sécurité ont arrêté jusqu’à septembre 2010,
1 290 terroristes, tandis que 7 540 autres, dont 81 émirs, à leur tête Hassan Hattab, se sont rendus et ont bénéficié de la cessation de l’action publique.
Le conflit sanglant des années 1990 aura fait au moins 150.000 morts, dont 114 imams qui s'opposaient aux islamistes radicaux.
La rédaction
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