Ce vendredi 1er novembre 2024 résonne comme une victoire pour les droits humains en Algérie. Mohad Gamsi, militant intrépide et symbole de résistance citoyenne, retrouve sa liberté après 4 ans et demi de détention, à la faveur de la grâce présidentielle décrétée par Abdelmadjid Tebboune.
Gamsi n'est pas un activiste comme les autres. C'est un homme qui a payé un lourd tribut pour défendre ses convictions les plus profondes, incarnant la voix des marginalisés du Sud algérien. Arrêté le 8 juin 2020 à Adrar, il a été condamné deux fois pour ses publications sur les réseaux sociaux et son engagement militant, symbolisant la répression contre les voix dissidentes.
Son parcours judiciaire est un récit poignant de persécution. Lors de son premier procès, le 17 octobre 2021, il a été condamné à cinq ans de prison pour “apologie du terrorisme” - une accusation politique déguisée en charge judiciaire. Son crime ? Avoir commenté sur Facebook la radicalisation d'un activiste et appelé l'armée algérienne à “servir le peuple” durant la pandémie de COVID-19.
Militant environnemental et social, Gamsi était au cœur de combats essentiels. Entre 2011 et 2015, il a lutté contre l'exploitation du gaz de schiste. Il était également une figure centrale du mouvement des chômeurs du Sud et du Hirak, ce mouvement de contestation populaire qui a secoué l'Algérie.
La machine judiciaire à l’oeuvre
Les circonstances de son arrestation illustrent parfaitement les mécanismes de répression : un interrogatoire mené sans avocat, une perquisition de son domicile, la saisie de ses effets personnels, et finalement une condamnation à huit ans de prison. Ses publications sur les réseaux sociaux et ses participations à des conférences internationales sur l'environnement ont été utilisées comme prétextes pour le faire taire.
Sa libération aujourd'hui est plus qu'un simple acte de clémence. C'est la reconnaissance silencieuse d'un système judiciaire qui a tenté de faire taire une voix citoyenne dérangeante. Mohad Gamsi représente ces milliers d'activistes qui, au péril de leur liberté, continuent de porter la voix des invisibles.
Un pas vers la réconciliation nationale?
La libération de Mohad Gamsi s'inscrit dans un mouvement plus large de désengagement judiciaire qui pourrait signaler une tentative de réconciliation nationale. La grâce présidentielle à l’occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale, a déjà permis la libération de plusieurs figures de la contestation : Safouane Toufik, le journaliste Ihsane El-Kadi, Othmane Mohamed, Omar Farhat, Sofiane Gherous, Samir Khentouche, Mohamed Tajdite, Mehdi Lalaoui, Ahmed Saadi, Sofiane Rebaï, Rabah Mahrouche, Ouazane Menouar, Fateh Hemzi, Ghilas Chaouche, Abdelhamid Bouaziza et Massinissa Aidouni…en attendant Abla Guemari, Mira Moknache ou encore Brahim Laalami.
Ce processus de libération collective n'est pas anodin. Il suggère une possible inflexion politique, un désir de refermer les plaies ouvertes par des années de tensions entre le pouvoir et les mouvements de contestation. Pour autant, cette démarche reste fragile et interroge : s'agit-il d'un réel tournant démocratique ou d'une stratégie de pacification temporaire ?
Sophie K.