Photo: Alger/Hirak 2019
L’exercice des libertés fondamentales de réunion pacifique, d’association et d’expression, et la défense des droits humains n’est #PasUnCrime !
Lancée par 38 organisations algériennes, régionales et internationales, #PasUnCrime est une campagne numérique visant à attirer l’attention sur la manière dont les autorités algériennes tentent de plus en plus d’étouffer les voix dissidentes et la société civile indépendante.
La campagne a été menée du 19 au 28 mai sur les comptes respectifs et sur les réseaux sociaux. Elle a appelé les autorités algériennes à mettre fin à leur répression des droits humains, à libérer immédiatement et sans condition les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains et permettre à chacun.e de jouir librement de ses droits.
La campagne s'est vue prolongée jusqu’à l’anniversaire de la mort de Kamel Eddine Fekhar, défenseur des droits humains, décédé en détention le 28 mai 2019, après une grève de la faim de 50 jours en protestation contre son emprisonnement pour avoir exprimé des opinions critiques à l’égard du gouvernement. Il avait été accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et d’incitation à la haine raciale.
Les personnes soupçonnées d’être responsables de graves violations des droits humains devraient être traduites en justice dans le cadre de procès équitables et les autorités devraient permettre aux victimes d’accéder à la justice et à des recours efficaces.
La campagne a aussi appelé toutes les personnes, organisations et parties concernées à contribuer à demander collectivement la fin de la criminalisation de l’exercice des libertés fondamentales en Algérie, en utilisant le hashtag #PasUnCrime.
Pour rappel, les autorités algériennes ont mis fin aux manifestations pro-démocratie du «Hirak» dans la majeure partie du pays, il y a de cela plus d'un an. Depuis, les poursuites en justice pour accusations terroristes infondées se sont multipliées, des amendements problématiques du Code pénal ont été adoptés, des actions en justice lancées contre des organisations de la société civile et des partis politiques d’opposition, la répression contre les défenseur.es des droits humains et les médias s’est intensifiée, tandis que les autorités continuent d’entraver l’enregistrement et l’activité des syndicats indépendants, déplore Amnesty International.
Le 20 février, un tribunal de la ville de Tlemcen, dans l’ouest du pays, a condamné Faleh Hammoudi, responsable du bureau de Tlemcen de la Ligue algérienne pour la défense des droits humains (LADDH), à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 100 000 dinars algériens. Quelques jours plus tard, le 24 février, un juge d’instruction d’Alger a ordonné le placement en détention provisoire de Zaki Hannache, un militant connu pour son travail de suivi de la répression imposée par le gouvernement au Hirak, un mouvement de protestation de masse demandant un changement politique dans le pays depuis Fevrier 2019.
Le décès en détention de Hakim Debbazi le 24 avril, placé en détention provisoire le 22 février 2022 pour des publications sur les réseaux sociaux, révèle ce qui est en jeu lorsque des personnes sont détenues simplement pour avoir exercé leurs droits humains. Une plainte a été déposée le 04 Mai au tribunal de Sidi M’Hamed d’Alger par l’avocate Me.Heloise Sadeg, tante maternelle du détenu décédé, réclamant « un milliard d’euros de réparation » pour la famille de son neveu, ont indiqué les avocats dans un communiqué. Hakim Debbazi a été « retrouvé mort dans des circonstances troubles dans la prison de Koléa », près d’Alger, a précisé la défense.
Huit autres membres de la LADDH font l’objet de poursuites pour leur participation au Hirak ou pour avoir critiqué les autorités.
Au moins quatre font l’objet de poursuites liées au terrorisme, vaguement définies au titre de la loi algérienne de sorte à y inclure le fait d’« œuvrer ou inciter à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ».
Parmi ces personnes figure le militant des droits de l'Homme Hassan Bouras, qui avait deja entamé une grève de la faim en contestation de son maintien en détention provisoire depuis le 12 septembre 2021. Kaddour Chouicha, vice-président de la LADDH, et Djamila Loukil et Said Boudour, membres de la LADDH d’Oran, sont également poursuivis depuis avril 2021 pour des accusations liées au terrorisme, mais ne sont pas en détention.
Lors de l'examen de l’Algérie par le comité des droits de l'Homme auprès de L’ONU, en Juillet 2018, le Comité avait prié l’État partie (Algérie) de lui soumettre son prochain rapport périodique le 27 juillet 2022 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la mise en œuvre des recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité a également invité l’État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays aux fins de l’élaboration de son rapport.
Lila MOKRI,
Paris, 01 Juillet 2022