Par une décision publiée au Journal Officiel tunisien le 31 janvier, le président Kais Saied a de nouveau reconduit l'état d'urgence dans tout le pays jusqu'au 31 décembre 2024.
Instauré initialement fin 2015 après une sanglante attaque terroriste, ce régime d'exception, qui octroie des prérogatives étendues au ministère de l'Intérieur, est dénoncé par l'opposition comme un outil d’autoritarisme entre les mains du chef de l’État.
En vertu de ces mesures extraordinaires, les rassemblements peuvent être interdits, un couvre-feu décrété, la presse muselée et tout commerce inspecté sans intervention préalable de la justice. Des pouvoirs coercitifs que M. Saied utiliserait, selon ses détracteurs, pour mater toute dissidence et muscler son emprise.
Cette énième prorogation de l’urgence sécuritaire a ainsi ravivé les inquiétudes quant aux dérives liberticides du régime. Depuis son coup de force du 25 juillet 2021 contre les institutions démocratiques issues de la révolution de 2011, le président mène en effet une refonte autoritaire des structures étatiques qui lui a valu d’être taxé de dérive dictatoriale.
Outre la dissolution du Parlement et la mise sous tutelle du pouvoir judiciaire, M. Saied concentre tous les pouvoirs après avoir fait adopter par référendum une Constitution taillée sur mesure et remporté des législatives controversées avec une Assemblée acquise à sa cause.
S'il revendique ces mesures radicales pour « sauver l’État d’un effondrement total », l’opposition y voit une gravissime régression démocratique risquant de ramener la Tunisie aux heures sombres de la dictature. L’état d’urgence, désormais routinier, ne fait que renforcer ce sentiment d’un régime liberticide.
Sophie K.