Rapport parlementaire : la France reconnaît les mensonges autour des essais nucléaires en Algérie
- cfda47
- 22 juin
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Le 17 juin 2025, un rapport parlementaire français a ravivé une page douloureuse de l'histoire coloniale : celle des essais nucléaires menés en Algérie entre 1960 et 1966. Pour la première fois, un document officiel de cette ampleur reconnaît les « dissimulations » et « omissions volontaires » de l'État français concernant les conséquences de ces expérimentations.
Le 17 juin 2025, un rapport parlementaire français a enfin reconnu les dissimulations autour des 17 essais nucléaires menés en Algérie entre 1960 et 1966, notamment à Reggane et In Ecker. Il révèle que les autorités françaises avaient connaissance des risques sanitaires et environnementaux, mais les ont volontairement minimisés. Ce silence prolongé a privé les victimes — militaires et populations locales — de suivi médical et d'indemnisations.
Le rapport recommande des réparations concrètes, dont la dépollution des sites et une coopération renforcée avec l’Algérie. Ce geste, bien que tardif, relance l’espoir d’une reconnaissance historique plus complète.
Un silence de plus de 60 ans
Entre février 1960 et février 1966, la France a procédé à 17 essais nucléaires dans le désert du Sahara, d’abord à Reggane (expérimentations atmosphériques), puis à In Ecker (essais souterrains). À l’époque, les autorités françaises avaient assuré que toutes les précautions avaient été prises pour éviter des contaminations radiologiques durables.
Le rapport présenté à l’Assemblée nationale brise ce narratif : il démontre que les risques sanitaires et environnementaux étaient connus, mais volontairement minimisés. Des documents déclassifiés et des témoignages d’anciens personnels civils et militaires montrent que de nombreuses populations locales et appelés du contingent ont été exposés sans protection adéquate.
Les principales révélations
Ce qui frappe surtout, c’est le déséquilibre entre les traitements accordés aux victimes françaises et algériennes. Alors que certains vétérans en métropole ont pu accéder à des indemnisations, de nombreux Algériens exposés n’ont jamais été reconnus, ni médicalement suivis, ni indemnisés. Les victimes algériennes – à la différence des vétérans français – rencontrent toujours des obstacles administratifs majeurs pour obtenir une reconnaissance officielle ou une compensation malgré des cas fréquents de cancers et de maladies auto-immunes. Le rapport insiste sur la nécessité d’un rattrapage historique.
Autre fait marquant : l’absence d’un inventaire radiologique public. Aujourd’hui encore, il est difficile d’avoir une cartographie précise des zones contaminées. Cela alimente la méfiance des populations locales et complique toute politique de dépollution sérieuse. Certaines zones autour des anciens sites, notamment à Reggane, présenteraient encore des taux de radioactivité préoccupants.
Vers une reconnaissance complète ?
Et cette commission bilatérale proposée… Elle serait sans précédent. Ce serait la première fois qu’une structure commune franco-algérienne serait chargée de faire la lumière, de façon transparente, sur les séquelles laissées par ces essais.
Le rapport recommande plusieurs mesures fortes : L’ouverture d’une commission bilatérale franco-algérienne sur les séquelles des essais. Un élargissement du dispositif d’indemnisation aux populations algériennes concernées. La dépollution des sites et un inventaire radiologique public.
Le gouvernement français a salué le travail du rapport, sans toutefois s'engager immédiatement sur les recommandations. Côté algérien, le ministère des Moudjahidines a réagi en parlant de « pas timide, mais bienvenu », tout en appelant à des excuses officielles et des réparations concrètes.
Un héritage radioactif : les essais nucléaires français au cœur du Sahara algérien
L’histoire des essais nucléaires français en Algérie débute le 13 février 1960, lorsque la France fait exploser sa première bombe atomique, baptisée Gerboise bleue, dans le désert du Sahara, à Reggane. Ce tir marque l’entrée de la France dans le cercle des puissances nucléaires. Entre 1960 et 1966, 17 essais nucléaires sont réalisés dans le sud algérien : quatre atmosphériques à Reggane, puis treize souterrains à In Ecker, dans le massif du Hoggar.
Ces expérimentations ont été menées alors que l’Algérie était encore sous domination coloniale, puis, après son indépendance en 1962, dans le cadre d’accords secrets entre Paris et Alger. Les conséquences sanitaires et environnementales ont été longtemps niées, malgré les témoignages d’anciens militaires et de populations locales exposées aux radiations. Certains essais, comme celui du 1er mai 1962 (Béryl), ont même provoqué des fuites radioactives majeures, contaminant des zones entières.
Ce lourd héritage est resté tabou pendant des décennies. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que les demandes de reconnaissance et d’indemnisation ont commencé à émerger, notamment avec la loi Morin de 2010. Mais les obstacles administratifs et le manque de transparence ont longtemps freiné toute justice réelle pour les victimes.
Une carte déclassifiée de l’armée française, révélée en 2013, montre que les retombées radioactives de ces essais ont touché non seulement le sud algérien, mais aussi une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et même le sud de l’Europe, jusqu’en Sicile.
Influence sur la politique nucléaire française
Ces essais ont été un tournant stratégique pour la France. Ils ont permis à la République de devenir la quatrième puissance nucléaire mondiale, affirmant son indépendance militaire vis-à-vis des États-Unis et de l’OTAN. Le succès technique de Gerboise bleue (70 kilotonnes, soit trois fois Hiroshima) a renforcé la doctrine de dissuasion nucléaire française, connue sous le nom de "force de frappe".
Mais ce programme a aussi laissé un lourd héritage diplomatique. Il a longtemps empoisonné les relations franco-algériennes, notamment à cause du secret entourant les conséquences sanitaires et environnementales. Aujourd’hui encore, la France est appelée à assumer ses responsabilités, tant sur le plan moral que politique.
La rédaction
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