Sansal : Pourquoi les médias français ont-ils subitement baissé le ton ?
- cfda47
- 24 juin
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Le 24 juin, la Cour d'appel d'Alger a requis dix ans de prison contre l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, soit le double de sa condamnation en première instance. Paradoxalement, cette escalade judiciaire a été accueillie par un silence relatif des médias français, contrastant avec le vacarme médiatique qui avait accompagné son arrestation en novembre 2024.
Lorsque Boualem Sansal avait été interpellé à l'aéroport d'Alger, la presse française s'était mobilisée massivement. Éditoriaux enflammés, tribunes d'intellectuels, déclarations politiques quotidiennes : l'affaire occupait les premières pages. L'écrivain était alors présenté comme un “Voltaire algérien”, un défenseur des libertés face à l'obscurantisme.
Six mois plus tard, face à un réquisitoire plus sévère, la réaction s'avère beaucoup plus mesurée. Les médias français se contentent désormais de brèves factuelles, évitant soigneusement les analyses politiques qui avaient caractérisé leur couverture initiale. Cette retenue contraste avec l'aggravation objective de la situation judiciaire de l'auteur de “2084”.
La différence de traitement questionne les motivations initiales de cette mobilisation médiatique. En novembre, l'arrestation offrait un angle d'attaque parfait contre le “régime algérien”, alimentant les tensions diplomatiques déjà vives entre Paris et Alger. L'affaire servait alors un récit géopolitique plus large, où la France se posait en protectrice des libertés face à l'autoritarisme maghrébin.
Aujourd'hui, cette grille de lecture semble épuisée. Les médias français ont-ils pris conscience que leur surenchère initiale risquait de desservir l'écrivain lui-même ? Ou cette discrétion révèle-t-elle simplement une lassitude face à un dossier qui s'enlise ?
Un calcul diplomatique derrière le silence ?
L'évolution du ton médiatique coïncide avec une période de gel des relations franco-algériennes. Expulsions de diplomates, suspension des coopérations : les deux pays traversent leur pire crise depuis l'indépendance. Dans ce contexte tendu, la presse française semble avoir adopté une stratégie de désescalade, évitant d'alimenter davantage les tensions.
Cette modération tardive interroge sur la nature réelle de l'engagement médiatique français pour Boualem Sansal. L'écrivain était-il sincèrement défendu pour ses idées, ou instrumentalisé dans un bras de fer diplomatique plus large ? Le contraste entre l'emballement initial et la retenue actuelle suggère que des considérations autres que la pure défense de la liberté d'expression étaient à l'œuvre.
L'âge avancé de Sansal (75 ans) et son cancer sont désormais les seuls éléments humanitaires mis en avant, comme si l'aspect politique de l'affaire était devenu encombrant. Cette focalisation sur la dimension médicale traduit peut-être une volonté de dépolitiser un dossier qui avait pris des proportions incontrôlables.
Le verdict, attendu le 1er juillet, sera révélateur. Si la justice algérienne confirme les dix ans requis, la réaction des médias français permettra de mesurer la sincérité de leur engagement initial. Un silence persistant confirmerait que Boualem Sansal, au-delà de son talent littéraire indéniable, était surtout devenu le symbole d'une bataille géopolitique qui ne le concernait qu'indirectement.
Sophie K.
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