Khaled Nezzar sera le premier responsable militaire de haut rang au monde à être jugé pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en vertu du principe de compétence universelle.
Un tournant historique se profile dans la quête de justice pour les victimes de la guerre civile algérienne (1991-2002) avec l'annonce du procès de Khaled Nezzar, ancien ministre algérien de la Défense, en Suisse.
Le Ministère public de la Confédération a récemment transmis au Tribunal pénal fédéral un acte d'accusation contre Khaled Nezzar, indique TRIAL International dans un communiqué publié sur son site, ce mardi 29 août 2023.
Les charges sont sérieuses, impliquant des crimes de guerre, tels que « la torture, les traitements inhumains, les détentions arbitraires et les condamnations illégales », ainsi que des « crimes contre l'humanité, notamment des assassinats ».
Cette décision ravive l'espoir d'une résolution longtemps attendue pour les souffrances endurées durant cette période sombre de l’histoire de l’Algérie.
Khaled Nezzar sera le premier responsable militaire de haut rang au monde à être jugé pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en vertu du principe de compétence universelle, précise TRIAL International.
L'organisation, qui avait déposé une plainte en 2011 contre Khaled Nezzar, se réjouit de l'ouverture imminente du procès. « Ce procès est l'unique opportunité de rendre justice aux victimes de la guerre civile algérienne », souligne Benoit Meystre, conseiller juridique chez TRIAL International.
Selon cette dernière, le combat des parties plaignantes pour amener Khaled Nezzar devant la justice a été ardu. « Récemment, une victime a retiré sa plainte en raison de pressions venues d'Algérie. Une autre plainte a été classée en 2023, la victime n'étant plus joignable, laissant craindre le pire. Une troisième victime, qui avait engagé une bataille judiciaire en 2011, est décédée sans connaître l'issue de son combat », indique-t-elle.
« Je me bats non seulement pour moi, mais aussi pour toutes les victimes de la décennie noire et pour les générations futures. Plus jamais un Algérien ne devrait vivre ce que j'ai traversé », témoigne un autre des plaignants en l’occurrence Abdelawhab Boukezouha, cité par l’ONG.
Un procès historique
Le procès de Khaled Nezzar marque un tournant décisif dans la quête de justice pour les victimes de la sanglante guerre civile ayant déchiré l'Algérie de 1991 à 2002. Près de 200 000 morts et disparitions sont à déplorer, ainsi que d'innombrables actes de torture et autres violations des droits humains, perpétrés aussi bien par l'armée que par des groupes armés.
Ce procès historique défie également l'impunité instaurée en Algérie par la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ».
Adoptée en 2005, celle-ci a octroyé une immunité totale à toutes les parties du conflit, au nom de la stabilité et de la réconciliation. Mais cette amnistie générale a privé les victimes de justice et de réparations.
En effet, un des aspects les plus controversés de la Charte est la clause qui permet l'abandon des poursuites judiciaires contre les agents de l'État accusés d'exactions pendant la guerre civile. D'autre part, la Charte accorde également l'absolution aux islamistes condamnés pour des crimes individuels.
En jugeant M. Nezzar, la Suisse envoie un signal fort : les auteurs d'atrocités devront rendre des comptes, où qu'ils se trouvent.
Sophie K.