Depuis l'arrivée au pouvoir de Kaïs Saïed, Alger se montre particulièrement généreux envers son voisin tunisien. Mais cette générosité du pouvoir algérien ne cache-t-elle pas une contrepartie bien plus politique ? N'est-ce pas un rapprochement au parfum de dépendance ?. Des questions que se posent plusieurs médias étrangers.
Le 22 décembre dernier, lors d'une rencontre mensuelle avec la presse algérienne, le président Abdelmadjid Tebboune a bien réaffirmé que son pays ne laisserait pas tomber la Tunisie en pleine crise économique. Pour preuve, 200 millions de dollars de prêt pour la Tunisie avec un faible taux d’intérêt accompagné d'un don de 100 millions de dollars. Cette manne venue d'Algérie, s'ajoute à un autre prêt à un taux préférentiel de 300 millions de dollars en décembre 2021. Une manne financière qui permet sans doute de continuer à payer les traites de l'État tunisien.
Alger a aussi, tenu à vendre de l'électricité et de l'essence à la Tunisie à des tarifs préférentiels. Elle lui a envoyé du sucre, alors que beaucoup de matières premières manquent sur le marché tunisien. Après la pandémie de Covid-19, les touristes algériens sont venus en nombre en 2022 pour aider le secteur du tourisme tunisien en crise.
De son coté, depuis de nombreux mois la Tunisie attend un prêt de 2,2 milliards de dollars du FMI qui ne vient toujours pas pour l'instant.
Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, a averti le 6 janvier dernier que l'année 2023 serait "compliquée", dans un contexte de faible croissance et forte inflation, sans un accord rapide avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt.
La Tunisie, endettée à plus de 80% de son PIB, a obtenu un accord de principe du FMI à la mi-octobre pour un nouveau prêt de plus de 2 milliards de dollars, qui devrait lui ouvrir d'autres aides. L'inflation sur les produits alimentaires dépasse les 15% sur l'année 2022. Tunis se tourne donc pour la cinquième fois en 10 ans vers le FMI. Mais l'argent de cette nouvelle tranche d'aides se fait attendre.
"La situation économique en Tunisie est en effet catastrophique" selon Jamil Sayah, politologue franco-tunisien et professeur de droit public à l'université de Grenoble (France).
"L'argent algérien permet pour l'instant au pouvoir de Kaïs Saïed de se maintenir à flot, de payer les fonctionnaires" , affirme le politologue.
Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, quant a lui, averti le 6 janvier dernier que l'année 2023 serait "compliquée", dans un contexte de faible croissance et forte inflation, sans un accord rapide avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt. La Tunisie, endettée à plus de 80% de son PIB, a obtenu un accord de principe du FMI à la mi-octobre pour un nouveau prêt de plus de 2 milliards de dollars, qui devrait lui ouvrir d'autres aides. L'inflation sur les produits alimentaires dépasse les 15% sur l'année 2022. Tunis se tourne donc pour la cinquième fois en 10 ans vers le FMI. Mais l'argent de cette nouvelle tranche d'aides se fait attendre.
"Le FMI prend en compte des critères de gouvernance et de stabilité politique dans l'obtention de ses prêts. Et l'institution financière basé à Washington pour l'instant se rend compte que le compte n'y est pas. Le président Kaïs Saïed depuis son coup de force de juillet 2021 n'a pas cessé de bafouer l'État de droit, une situation qui fait fuir les investisseurs étrangers. L'État tunisien ne peut pas se financer sur les marchés internationaux sans ce prêt du FMI", explique Jamil Sayah. La présidence tunisienne essaie de trouver des alternatives aux institutions internationales financières que sont le FMI ou la Banque mondiale en se tournant dernièrement vers les pays du Golfe comme l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis. "C'est dans ce contexte que l'Algérie intervient" selon Jamil Sayah. "Le pouvoir algérien a très vite perçu l'intérêt qu'il avait de profiter de la faiblesse tunisienne. Sur une année, sous forme de prêt ou de dons, le pouvoir algérien s'est rendu indispensable au pouvoir tunisien. Il assure sa survie. La hausse des prix du gaz et du pétrole a donné plus de marges financières à Alger et finalement les quelques 700 millions de dollars sous forme de prêts ou de dons représentent peu de chose pour Alger", selon le politologue.
"Le pays n'a plus les moyens de payer ses importations notamment celle des biens de première nécessité comme le lait, les céréales. L'industrie touristique s'est effondrée avec le COVID. Le modèle du tourisme de masse ne fonctionne plus. La crise politique en Tunisie depuis le coup de force de Kaïs Saïed a fait fuir les investisseurs étrangers. Le pays ne fait plus rentrer de devises. Les produits alimentaires manquent. Les médicaments également. L'État face à cette crise économique n'arrive plus à payer une partie de ses traites", explique Sayah Jamil .
"Plus de réserves de changes, plus de réserves alimentaires... Le discours en public portant sur la lutte contre la contrebande du président sans se poser réellement de questions sur sa gouvernance du pays est totalement hors-sol", insiste Jamil Sayah.
La présidence tunisienne essaie de trouver des alternatives aux institutions internationales financières que sont le FMI ou la Banque mondiale en se tournant dernièrement vers les pays du Golfe comme l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis. "C'est dans ce contexte que l'Algérie intervient" selon Jamil Sayah, qui poursuit "Le pouvoir algérien a très vite perçu l'intérêt qu'il avait de profiter de la faiblesse tunisienne. Sur une année, sous forme de prêt ou de dons, le pouvoir algérien s'est rendu indispensable au pouvoir tunisien".
"Les Tunisiens ont le sentiment que leur pays est devenu une Wilaya de l'Algérie. Le pays depuis son indépendance a toujours su adopter une politique étrangère indépendante d'Alger", regrette Sayah Jamil.
"Rien n'est gratuit. Et on assiste à mon sens à une forme de vassalisation de la Tunisie par l'Algérie. Tunis s'est aligné sur toutes les positions diplomatiques de l'Algérie que ce soit sur la Libye, le Sahara Occidental ou le Maroc. La Tunisie n'avait jamais reconnue le Front Polisario que ce soit sous Habib Bouguiba ou Ben Ali ou lors des premiers gouvernements de l'après Révolution. Kaïs Saïed a reçu en grande pompe en 2022 Brahim Ghali, le chef du Front Polisario soutenu par Alger", décrit le politologue franco-tunisien, Jamil Sayah.
Hasni Abidi, politologue algérien, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, abonde dans le même sens. "Alger en contrepartie de ce soutien financier veut que la Tunisie au sein d'institutions internationales comme l'Union africaine par exemple ou sur ses relations avec le Maroc suive ses positions diplomatiques", insiste Hasni Abidi.
Ce dernier, se montre plus prudent et plus nuancé sur les réelles motivations du pouvoir algérien. "Le pouvoir algérien, à mon sens, s'inquiète surtout d'avoir à ses frontières une Tunisie instable politiquement et fragile. Il y a surtout derrière tout cela beaucoup de pragmatisme. Le pouvoir algérien discute avec l'interlocuteur du moment qui est Kaïs Saïed. Mais par exemple Alger s'est positionné comme médiateur entre Rached Ghanouchi, le dirigeant de Ennhada poursuivi en justice par le pouvoir, et la présidence tunisienne. Sans vouloir interferer dans les affaires intérieures du pays, Alger veut que la Tunisie soit stable politiquement", estime Hasni Abidi.
La Rédaction
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