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Tunisie : les violences policières impunis malgré les nombreuses plaintes déposées (rapport)

Cette répression constitue le socle d'une restauration autoritaire qui vise à saboter les acquis majeurs de la révolution : la liberté d'organisation politique d'une part, et la liberté d'information d'autre part.



Depuis le 25 juillet 2021, la Tunisie est plongée dans un état d'urgence permanent, marqué par une répression croissante. Les forces de police, s'autoproclamant tout-puissantes, se livrent à des agressions impunies envers les habitants des quartiers populaires, les personnes LGBT, les militants, les journalistes critiques et les opposants politiques.


Cette répression constitue le socle d'une restauration autoritaire qui vise à saboter les acquis majeurs de la révolution : la liberté d'organisation politique d'une part, et la liberté d'information d'autre part.


Le mouvement social tout entier est pris pour cible afin d'étouffer toute résistance des classes populaires et moyennes face à la détérioration des conditions de vie et à l'aggravation des inégalités.

 

Et malgré les centaines de plaintes déposées contre la police pour violations des droits de l'homme, mauvais traitements et torture, l'impunité demeure.


Une impunité renforcée par les syndicats de policiers qui utilisent tous les moyens de pression, y compris des méthodes illégales, pour interférer dans les procédures judiciaires impliquant des agents de police accusés de violences ou d'usage excessif de la force.

 

Les chiffres révélés par le site Inkyfada, tel que rapporté par le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme,  sont alarmants.


Parmi les faits saisissants recensés, l'histoire d'Ahmed M'Hirsi. En tant qu'ami du fils du diplomate tunisien, Khayem Turki, Ahmed M’Hirsi a été appréhendé le 11 février 2023, soumis à un interrogatoire éprouvant, pour finalement être relâché au beau milieu de l'autoroute lors de la nuit du 12 février 2023.


Le retour tardif de ses documents d'identité, survenu début mai, témoigne de la négligence flagrante et du manque de responsabilité des autorités compétentes.

 

Un autre cas troublant concerne Ahmed Doula, un commerçant établi à l'étranger, qui a été arrêté pour « complot contre la sûreté de l'État » après que l'on a retrouvé une voiture portant son nom devant le domicile de Khayem Turki.


Les soupçons et les charges qui pèsent sur lui soulèvent des interrogations quant à « l'impartialité des enquêtes et des procédures judiciaires », dénonce le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme.

 

Les cas d'Ahmed M'hirsi et Ahmed Doula ne sont malheureusement pas des exceptions. Le 23 mars 2022, une série d'arrestations a eu lieu, visant les membres du collectif "t3allem 3oum", tels que Ayoub Amara, ainsi que le père d'Omar Laâbidi, lors d'un rassemblement organisé sur le lieu de l'incident qui a conduit à la mort de ce dernier.


Deux journalistes du site d'information Nawaat ont également été appréhendés.

 

Le 19 avril 2022, en guise de représailles aux manifestations de soutien à la famille de la victime lors du procès du 31 mars 2022, 14 supporters du Club Africain ont été arrêtés. Le 13 septembre 2022, Mohamed Ghassen Boughdiri, activiste au sein du collectif "T3allem 3oum", a été convoqué à Beja.


Pendant le week-end du 14-15 mai 2022, trois jeunes ont été arrêtés dans la région de Gabès pour avoir réalisé un graffiti à l'effigie d'Omar Laâbidi et exprimé pacifiquement leur solidarité envers la famille de la victime.


Le 19 octobre 2022, Saif Ayadi, membre de la LTDH Bardo, de l'association Damj et du collectif « t3allem 3Oum », a été arrêté par des agents de police en civil alors qu'il assistait à une conférence organisée pour la campagne « T3allem 3oum » en hommage à Omar Laâbidi.


Emmené au commissariat d'Ettadhamoun, près de Tunis, il a été accusé d' « association de malfaiteurs dans le but d'attaquer les personnes et les biens publics et privés ».


Il aurait également été interrogé sur ses activités à Genève, où il s'était rendu lors de l'Examen périodique universel présenté par la Tunisie. Bien qu'il ait été relâché le 23 octobre, il fait toujours l'objet de poursuites judiciaires et est interdit de voyage, selon son avocat.

 

Répression violente lors de mouvements sociaux

 

Depuis plusieurs années, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) documente les mouvements sociaux en Tunisie, mettant l'accent sur quelques incidents caractérisés par l'usage de la force.

 

Le 1er septembre 2021, un rassemblement de citoyens devant le théâtre municipal de Tunis, réclamant la vérité sur les assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en 2013, a été violemment réprimé par la police.


Des affrontements ont éclaté lorsque la police a tenté de disperser quelques dizaines de jeunes devant le théâtre, entraînant des blessés parmi les manifestants et des journalistes empêchés de travailler.


Le 3 octobre 2022, la police  réprime des travailleuses agricoles de Jebeniana, Sidi Bouzid et Kairouan qui manifestaient à Tunis pour dénoncer leurs conditions de travail et leur marginalisation économique.


Certaines d'entre elles ont été maltraitées et empêchées d'accéder à l'avenue Bourguiba.


Finalement, elles ont toutes été empêchées de manifester devant le ministère des Affaires sociales.

 

Le 19 novembre 2022, les habitants de Zarzis ont protesté pour exiger que les autorités prennent leurs responsabilités envers les familles des disparus en mer.


Ils ont manifesté pendant plusieurs semaines après le naufrage d'une embarcation dans la nuit du 20 au 21 septembre 2022, au cours duquel 18 migrants de la région ont disparu. Ils ont accusé l'État et les autorités régionales d' « inaction » et de « négligence » dans la recherche des corps.


Leur colère a été exacerbée par l'inhumation erronée de quatre migrants tunisiens dans un cimetière réservé aux migrants subsahariens, sans les en informer.

 

Le 4 janvier 2023, neuf ouvrières de chantier ont été condamnées par contumace à 4 mois de prison ferme pour leur participation à un mouvement social à Skhira, accusées d' « entraves au travail » suite à des événements remontant à l'année 2020, lorsqu'elles avaient manifesté devant la délégation pour demander la régularisation de leur situation.


Bien qu'elles aient signé un engagement à ne pas protester, elles ont été surprises par la publication d'une décision prise en leur absence.

 

Le 9 février 2023, les travailleurs des « chantiers publics » se sont rassemblés devant le palais du gouvernement, sur la place de la Kasbah, pour réclamer un statut et la fin de la précarité.


Selon la Coordination nationale des mouvements sociaux, leur mouvement a été confronté à des « arrestations aléatoires et à des violences verbales et physiques ». 


Enfin, le 9 avril 2023, les milices pro-Kaïs Saied ont agressé un sit-in des blessés de la révolution devant le théâtre municipal de Tunis.



Sophie K.



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