La vague d'agressions contre les Noirs en Tunisie déclenchée par les propos racistes du président Kaïs Saïed a terni l'image du pays sur le continent et au-delà.
De nombreuses agressions physiques ont été recensées et des migrants ont témoigné auprès d'ONG avoir été pourchassés et détroussés par de véritables "milices".
Dans la foulée de ces déclarations, des centaines de personnes originaires d'Afrique subsaharienne ont dénoncé subir des persécutions. Insultes, coups, agressions physiques, licenciement ou même expulsion de leur logement : la situation est devenue intenable.
À l’Université El Manar de Tunis, les propos du président Kaïs Saïed sont vivement critiqués par le corps enseignant. Dans un communiqué daté du 1er mars, l’établissement public annonce son “rejet des pratiques à caractère raciste” et tient à réaffirmer son “adhésion aux principes de coexistence pacifique en combattant toute forme de discrimination, la haine et le racisme”.
D'autres mouvements en soutien aux personnes discriminées ont émergé. Des institutions ou des individus issus de la société civile manifestent leur opposition au racisme en participant par exemple à des rassemblement et marches. C’était notamment le cas dans les rues de la capitale le 25 février dernier. “L’appel à la haine à l’encontre nos frères et sœurs subsahariens ne représente pas la Tunisie ni les Tunisiens”, a déclaré notamment Raoudha Seibin, membre de l’association tunisienne de soutien des minorités, alors qu’elle participait à la manifestation.
À l’étranger, la colère gronde. Devant les ambassades tunisiennes du Sénégal ou de France, des rassemblements ont eu lieu. Certaines personnes demandent également la révocation de la participation de la Tunisie aux instances dirigeantes du continent.
L’Union africaine a d’ores et déjà condamné les propos tenus par le président tunisien dans un communiqué publié le 24 février. “Les États membres de l’Union africaine doivent honorer les obligations qui leur incombent en vertu du droit international (...) à savoir traiter tous les migrants avec dignité, d'où qu'ils viennent”, rappelle l’organisation.
L’image de la Tunisie se retrouve sérieusement écornée. La situation pourrait avoir des répercussions sur certains secteurs de l'économie, par exemple sur le tourisme. Sur les réseaux sociaux, des appels au boycott de marques tunisiennes sont relayés.
Face au tollé, le chef de l'État tunisien rétropédale et charge précisément les migrants qui seraient sur le sol tunisien sans titre de séjour.
“Nous devons veiller sur nos frères d'Afrique subsaharienne en situation légale. Mais il n'est pas question de laisser quiconque en situation illégale rester en Tunisie”, a indiqué Kaïs Saïed.
Ce dimanche, la présidence de la République, le gouvernement et le ministère des Affaires étrangères ont annoncé des "mesures pour améliorer la situation des étrangers en Tunisie et faciliter les procédures", de régularisation de leur situation.
Ils ont en premier lieu décidé "de délivrer des cartes de séjour d'un an aux étudiants ressortissants de pays frères africains pour faciliter leur séjour et leur permettre de renouveler périodiquement leurs documents".
En outre, les autorités ont décidé de "prolonger les attestations de résidence de trois à six mois", pour des personnes venant de nombreux pays subsahariens comme la Côte d'Ivoire qui bénéficient d'une exemption de visa de trois mois à l'entrée en Tunisie.
La Tunisie souhaite aussi "faciliter les opérations de retour volontaire dans un cadre organisé et en coordination avec leurs missions diplomatiques".
Ces candidats au retour volontaire seront "exemptés" des pénalités s'élevant à 80 dinars par mois (25 euros), dépassant pour certains les 1.000 euros.
Les autorités ont promis aussi de renforcer l'accompagnement et l'assistance sanitaire et sociale aux migrants par l'intermédiaire du Croissant-Rouge, tout en cherchant à "lutter contre toutes les formes de traite humaine et l'exploitation des migrants irréguliers", à travers une intensification des contrôles.
Un numéro vert pour les "résidents des pays frères africains", a été créé pour "signaler toute violation à leur encontre".
La rédaction
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