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Un journaliste face à la raison d'État : le prix de l’investigation en terre algérienne

  • cfda47
  • 2 juil.
  • 2 min de lecture

La condamnation du journaliste sportif français Christophe Gleizes à 7 ans de prison par le tribunal criminel de Tizi-Ouzou continue de susciter des zones d’ombres et des réactions. Elle interroge également sur l’exercice du métier de journaliste dans un pays qui se referme de plus en plus sur lui-même.


Avant de tenter des approches de fonds, il faut mentionner d’abord les faits. Entré par un visa touristique -il est quasiment impossible pour un journaliste étranger d’obtenir un visa d’entrer en Algérie-, le journaliste, qui est l’un des brillants spécialistes de l’histoire du football africain, s’est dirigé, en mai 2024, vers Tizi-Ouzou. Arrivé dans la ville des Genêts, le jeune homme ne pouvait, à ce moment-là, éviter le nouveau temple de la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK), le Stade Hocine-Ait-Ahmed qui n’était pas encore inauguré à ce moment-là. C’est là qu’il a été arrêté.


Après six jours de garde à vue, le juge d’instruction a décidé de le laisser en liberté provisoire avec obligation de pointer plusieurs fois par semaine au commissariat de Tizi-Ouzou. Malgré l’opposition du parquet, le juge a même allégé cette contrainte pour la rendre hebdomadaire.


Puis, au cœur des investigations, les policiers ont découvert qu’en plus de l’enquête sur la mort, en août 2014, du joueur camerounais de la JSK, Albert Ebossé, Christophe Gleizes était en contact, des années auparavant, avec un dirigeant du MAK, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie considéré depuis mai 2021 comme organisation terroriste. Le but de ces contacts était d’organiser un reportage sur « l’équipe nationale kabyle », équipe fantoche qui n’a jamais existé en Kabylie, mais qui a été créée en France grâce à des joueurs amateurs recrutés au sein de la diaspora.


Le piège s’est donc refermé sur le journaliste accusé de « apologie de terrorisme ». Car, selon des sources judiciaires, les contacts entre lui et cette personne du MAK remontait à l’époque où cette organisation n’était pas encore déclarée comme terroriste.


Au-delà des faits, cette affaire pose la question sur le champ d’action du journaliste. Pour obtenir des informations, un homme ou une femme des médias peut recourir à plusieurs sources, dont certaines peuvent être aux-antipodes des politiques de l’Etat. Puis, des journalistes algériens et des Occidentaux ont fait parler des terroristes islamistes durant les années 1990 sans qu’ils ne soient taxés eux-mêmes de terroristes ! Car, un journaliste n’est en rien responsable des actes dont pourraient être accusées ses sources ou ses interlocuteurs. En tous cas, son avocat a introduit un appel.


Le procès en appel ne pourrait se tenir qu’en octobre, au début de la nouvelle session criminelle.


En attendant d’avoir une issue à cette nouvelle affaire, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer la libération du journaliste. Y compris par les personnalités politiques françaises jusque-là très bienveillantes à l’égard des autorités algériennes à l’image du leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon.


Des journalistes, algériens et français, ainsi que RSF, Reporters Sans Frontières et le gouvernement français ont réclamé sa libération. Du côté des autorités algériennes, c’est motus et bouche cousue.


E. Wakli

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