Photo d'illustration: Des Marocains scandent des slogans à Casablanca le 23 août 2017, lors d'une manifestation contre le harcèlement sexuel suite à l'agression sexuelle d'une femme dans un bus.AFP - STRINGER
Deux ans de prison ferme pour avoir violé une enfant de 11 ans pendant des mois. C’est la peine maximale à laquelle ont été condamnés, le 20 mars, les agresseurs de Sana. Alors que le Code pénal marocain est très clair : « les auteurs de viol encourent théoriquement jusqu'à 30 ans d'emprisonnement ».
La petite fille est tombée enceinte de l’un de ses violeurs. Le verdict, jugé « laxiste », provoque la colère dans le pays.
Ils étaient plus d’une centaine à répondre à l’appel lancé par « Rabii el Karama », la coalition du Printemps de la dignité, une coalition d’associations marocaines de défense des droits humains, dont la sociologue et professeure universitaire a adressé une lettre ouverte à Abdellatif Ouahbi, le ministre marocain de la justice dans laquelle elle dénonce « une injustice inadmissible ».
Pancartes et banderoles à la main, regards graves, les manifestants scandent « où est l’égalité » après le jugement rendu par la justice marocaine dans l’affaire des violeurs d’une fillette de 11 ans.
La fillette a assisté au procès, son bébé dans les bras. Ce jugement, rendu par la Cour d’appel de Rabat, est qualifié de « scandaleux » par de nombreuses associations marocaines.
Un sit-in a été organisé devant le tribunal, hier, mercredi 5 avril, à l’appel du Printemps de la dignité, une coalition d’associations marocaines de défense des droits humains, pour dénoncer les peines prononcées, à la veille du procès en appel.
Le Maroc a découvert l’histoire de Sana grâce à une tribune signée le 28 mars par la sociologue féministe Soumaya Naamane Guessous, publiée sur le site d’information « Le360 ».
La petite fille, originaire de Tiflet, entre Rabat et Meknès, est déscolarisée. Elle vit avec son père, berger, et sa mère, ouvrière agricole.
Ses agresseurs, trois hommes du voisinage, la violent pour la première fois en 2021, alors qu’elle est seule chez elle. Ils sont tous âgés d’une trentaine d’années.
Les abus se répètent durant des mois. Un des hommes implique sa nièce à qui il demande de faire le guet. Menacée de mort si elle parle, Sana garde le silence. Mais elle finit par tomber enceinte, sans comprendre ce qui lui arrive, parce que, rappelons-le, elle n’est qu’une enfant.
Son ventre gonfle et la rumeur se répand. Les hommes sont alors arrêtés, mais la fillette est déjà à huit mois de grossesse. Son père porte plainte. Sana accouche quelques jours plus tard.
Le 20 mars dernier, les trois hommes sont reconnus coupables de « détournement de mineure » et d’« attentat à la pudeur sur mineure avec violence », par la chambre criminelle de la cour d’appel de Rabat.
Le terme « pédocriminalité », n’apparaît pas dans la loi marocaine. Le géniteur est condamné à deux ans de prison ferme et 30 000 dirhams d’amende (environ 3 000 euros).
Les deux autres écopent de 18 mois d’emprisonnement, dont six avec sursis et 20 000 dirhams d’amende (2 000 euros). La loi marocaine prévoit pourtant dix à trente de réclusion pour un viol sur mineur. Une peine censée être alourdie de vingt à trente ans s’il y a une « défloration ».
Le prononcé du verdict indique que les juges ont accordé des circonstances atténuantes aux agresseurs. Ils les justifient par « leurs conditions sociales » et « l’absence d’antécédents judiciaires ».
Le tribunal soutient même que « la peine prévue légalement est sévère au regard des faits incriminés », selon un extrait publié par « Medias24 ».
Le parquet a fait appel, et le procès en deuxième instance s'est tenu ce jeudi 6 avril.
Les Marocains se sont réunis dès le mercredi 5 avril, devant la cour d’appel de Rabat, à l’initiative de « Rabii el Karama », une coalition d’associations de défense des droits humains.
« Nous nous sommes rassemblés aujourd’hui pour demander comment la justice a pu rendre cette décision, alors que la loi dit que le viol sur mineur est puni de 10 à 20 ans de prison. Nous demandons non seulement que le jugement soit revu, mais aussi que le code pénal soit modifié », explique Khadija Zeriri, co-organisatrice du rassemblement, sur les colonnes de « RFI ».
Les manifestants demandent au gouvernement de réformer le Code pénal au sujet des violences sexuelles. Ils suggèrent aussi la création d’un code de l’enfant, puisque l’histoire de Sana n’est pas la première.
Le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi, s’est dit lui aussi « frustré et choqué » par le verdict. Il a rappelé qu’il tient « à intensifier les peines prévues pour les agresseurs d’enfants dans le nouveau projet de Code pénal ».
La rédaction