Ce 30 septembre, c’est le troisième anniversaire du décès de Messaoud BABADJI, il avait quitté la vie le 30 septembre 2020. « Cette année a vu ce que ne verront pas cent. Ce jour entrera dans la morne légende des siècles », écrivait MAIAKOWSKY lors de la mort de LENINE.
Messaoud naquit en 1956 dans le sein d'une famille kabyle établie au cœur de la terre algérienne, précisément au village de Oued El Abtal,(Uzès-le-Duc) dans la wilaya de Mascara.
Dans cette contrée rurale, il avait connu l'intimité de la terre, cette compagne fidèle des paysans, tout en forgeant des liens indéfectibles avec la communauté des âmes rurales.
Messaoud BABADJI avait vu le jour aussi dans cette contrée où le sang et le feu avaient marqué l’histoire.
En 1957, un an après sa naissance, le Djebel Menaouer, à 15 km de son berceau, avait été le lieu d’une lutte acharnée entre les Katibets de l’ALN et l’armée française.
Les forces coloniales avaient essuyé des pertes colossales, en hommes et en matériel. Six cent cinquante soldats français avaient trouvé la mort, et de nombreux autres avaient été blessés. Six avions avaient été détruits, et dix-sept endommagés. La résistance algérienne avait porté un coup sévère à l’adversaire, mais au prix d’un sacrifice immense.
Le chemin de la connaissance l'avait conduit à Tighenif, anciennement Palikao, où, parmi les montagnes et les rivières, il avait entamé ses premières classes. C'est là, dans ce lieu où fut jadis découvert le squelette d'un des premiers Homo-sapiens, "L'Homme de Palikao", que Messaoud avait planté les graines de son éducation, faisant écho à l'ancienne sagesse qui se murmurait entre les marmottes des vents et les chuchotements des rivières.
À la fin des années 60, il franchit les portes du célèbre lycée Ben Badis (ex Ardaillon) d’Oran, où il poursuivit ses études secondaires.
Le lycée Ben BADIS rassemblait des lycéens venus de tout l’Ouest ; c’était un creuset de la future élite algérienne. Et, c’est là qu’il vécut la fameuse révolte des lycéens de 1971, en solidarité avec les étudiants réprimés de l’UNEA.
Une fois à la fac de droit, il rejoignit le CUV (Comité universitaire de volontariat), en se rapprochant des militants du PAGS. Après sa licence, il partit en France pour des études de post-graduation, avant de revenir enseigner le droit à l’université de Sidi Belabess.
Après les événements d’octobre 88, il adhéra au PAGS et il traversa péniblement la période des années 90, qui le marquera à jamais. À cette époque, il épousa les idées éradicatrices des « Démocrates et républicains » et il crut que l’armée avait préservé le pays du danger islamiste. Au début des années 2000, il quitta le PAGS pour rallier le RCD, croyant toujours aux « Démocrates » et il fut encore une fois déçu.
Il en eut assez du militantisme partisan et il devint un électron libre, se consacrant entièrement à son combat pour la liberté. En 2011, quand les jeunes se soulevèrent à partir de Bab El Oued Alger et que la grogne gagna toute l’Algérie, il adhéra volontiers à la CNCD (Comité national pour le changement et la démocratie), dont il fut un des principaux animateurs à Oran.
C’est au sein de la CNCD qu’il se confronta à la LADDH, à SOS DISPARUS et à d’autres collectifs et associations féministes et autres, en affrontant la répression policière et militaire en toile de fond. Il comprit que ce régime autoritaire s’appuyait sur les forces policières et militaires pour écraser le peuple.
Messaoud fut un ardent défenseur des droits humains, qui ne se cantonna pas à une seule organisation. De 2012 à 2019, il prêta sa voix et son action à la LADDH (la Ligue Algérienne pour la défense des Droits de l’Homme), au sein de la section d’Oran. Mais il n’hésita pas à s’associer à d’autres causes, à partager son savoir et son expérience, à animer des formations et des conférences, et à participer à tous les combats authentiquement démocratiques. Messaoud était un homme intègre et rigoureux, qui exigeait autant des autres que de lui-même. Il aspirait à ce que chacun se perfectionne, surtout sur le plan intellectuel et du savoir.
Quand, le Hirak arrive le 22 février 2019 c’est donc naturellement qu’il participe comme tous les algériens mais il milita fortement au sein du comité anti-répression suite à la vague d’arrestation et de répression jusqu’à son dernier jour, le 30 septembre 2020.
Messaoud a quitté ce monde, mais il n’a pas quitté nos cœurs. Il a laissé derrière lui un héritage de lutte, de courage et de dignité. Il a été un témoin de son temps, un acteur de son histoire, un artisan de son avenir. Il a été un ami, un frère, un compagnon de route. Il a été un homme libre, qui a aimé la liberté plus que tout. Il a été une étoile, qui a brillé dans le ciel de l’Algérie. Il a été Messaoud, et il le restera à jamais.
Yacine M
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