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Ravivant un débat vieux de 30 ans: Un député réclame la peine de mort pour les personnes transgenres

  • cfda47
  • il y a 1 heure
  • 4 min de lecture

Alors que plusieurs voix appellent à l'abrogation complète de la peine de mort du code pénal algérien, la récente intervention d'un député du courant islamiste réclamant son application contre les personnes transgenres a ravivé un débat déjà complexe sur cette sanction controversée.


Lors d'une session consacrée à la discussion du projet de Code de procédure pénale devant le ministre de la Justice, le député Ben Amar Fawzi a provoqué de vives réactions en appelant à l'adoption de lois “strictes” incluant l'application de la peine capitale dans les affaires liées au harcèlement sexuel des enfants, mais également contre les personnes qu'il a qualifiées d'"efféminées" et les individus transgenres.


“Soit on est un homme, soit on est une femme, il n'existe pas de demi-homme et de demi-femme”, a déclaré le parlementaire, affirmant que toute personne tentant de changer son “statut biologique” devrait être passible de la peine de mort. Ces propos, faisant référence à ce qu'il considère comme “la propagation généralisée de ce phénomène dans la société algérienne”, ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux et divisé l'opinion publique.


Si les déclarations du député ont choqué de nombreux Algériens, elles interviennent dans un contexte particulier où la peine de mort, bien que toujours présente dans l'arsenal juridique du pays, n'est plus appliquée depuis plus de trois décennies.


LE STATUT ACTUEL DE LA PEINE DE MORT EN ALGÉRIE

La peine capitale reste inscrite dans le code pénal algérien pour de nombreux crimes graves, notamment la trahison, l'espionnage, le meurtre aggravé, les actes terroristes, ou certaines infractions militaires. Les tribunaux algériens continuent néanmoins de prononcer des sentences capitales, bien que leur nombre connaisse une forte baisse récemment.


En 2024, huit condamnations à mort ont été prononcées, marquant une diminution significative par rapport aux 38 condamnations de 2023 et aux 54 condamnations de 2022, notamment lors du procès lié au lynchage de Djamel Bensmaïl.


L'évolution sur la dernière décennie montre des variations importantes. Selon un rapport de l’ONG Amnesty International, la justice algérienne a prononcé 62 condamnations en 2015, 50 en 2016, 27 en 2017, seulement une en 2018, quatre en 2019, neuf en 2021, puis 54 en 2022, 38 en 2023, et enfin huit en 2024.


À la fin de l'année 2024, au moins 262 personnes étaient sous le coup d'une sentence capitale en Algérie. Ces condamnés sont généralement soumis à un régime carcéral particulier, incluant cinq années d'isolement en cellule individuelle, mais leurs peines sont systématiquement commuées en prison à perpétuité en vertu du moratoire en vigueur.


ENTRE ABOLITION ET MAINTIEN : UN DÉBAT QUI DIVISE

En dépit du moratoire sur les exécutions et du vote de l'Algérie en faveur du moratoire universel sur la peine de mort à l'ONU en 2008, faisant d'elle le premier pays arabe à adopter cette position, elle n'a toujours pas abrogé formellement cette sanction. Cette position s'est confirmée récemment avec le vote favorable de l'Algérie pour le moratoire international lors de la résolution de l'ONU en décembre 2024.


Les déclarations du représentant Ben Amar Fawzi témoignent de la présence continue d'une tendance traditionaliste qui soutient non seulement le maintien mais également l'élargissement de l'usage de la sanction capitale, alors que diverses associations pour la protection des libertés fondamentales poursuivent leur combat pour sa suppression complète et irrévocable.


Cette tension entre différentes visions de la justice pénale et des valeurs sociétales place l'Algérie dans une position intermédiaire: la peine capitale subsiste dans les textes et les condamnations, mais son exécution demeure suspendue, sans perspective claire d'abrogation ou de reprise des exécutions à court terme.


L’ATTENTAT DE L’AEROPORT D’ALGER: ORIGINE DU MORATOIRE ALGÉRIEN

Le moratoire sur les exécutions en Algérie est directement lié à un événement traumatisant de l'histoire récente du pays. Le 26 août 1992, une bombe explosa dans le hall central de l'aéroport Houari-Boumediene à Alger, causant la mort de 9 personnes et faisant 128 blessés. Deux autres engins explosèrent presque simultanément dans les agences d'Air France et de Swissair à Alger, marquant le début d'une vague de violences durant la décennie noire.


Le procès qui suivit, ouvert le 5 mai 1993 devant une cour spéciale, se déroula dans un climat de tension extrême, avec de graves irrégularités de procédure relevées. Le 26 mai 1993, 12 personnes furent condamnées à mort, et la cour spéciale d'Alger prononça également 31 autres condamnations à mort, dont 26 par contumace.


À la suite de ces événements, sept personnes furent exécutées le 31 août 1993, après le rejet de leur recours en grâce par le président du Haut Comité d'État. Treize autres exécutions suivirent le 11 octobre 1993. Ces exécutions, menées à l'issue de procès jugés iniques par les ONG internationales, provoquèrent une vague d'indignation et de critiques, tant en Algérie qu'à l'étranger.


Face à cette pression nationale et internationale, les autorités instaurèrent alors un moratoire sur la peine de mort qui perdure aujourd'hui, sans pour autant que la question de son abolition définitive ne soit tranchée, laissant le débat ouvert entre partisans et opposants de la peine capitale en Algérie.

 

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