Bruno Retailleau reproche à l'Algérie de ne pas respecter l'accord de 1994
- cfda47
- 22 mars
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Dernière mise à jour : 6 avr.

Bruno Retailleau a d’ores et déjà annoncé la suspension des accords de 2007, qui consistent à exempter de visa les Algériens en possession d’un passeport diplomatique. Cependant, un accord de réadmission est au cœur des reproches mutuels. Le ministre de l'Intérieur estime qu'Alger contrevient à un protocole d'accord qu'il a signé.
L'Algérie a opposé lundi une fin de non-recevoir à la demande de la France de réadmettre une soixantaine de ses ressortissants sous le coup d'une obligation de quitter le territoire. De ce fait, Bruno Retailleau reproche à l'Algérie de ne pas avoir respecté un accord de 1994, complément aux accords originels de 1968 sur les relations entre les deux pays.
Et c'est d'ailleurs, ce qu'a affirmé mardi, François Bayrou, Premier ministre, à l'Assemblée nationale, en réponse à une question d'Eric Ciotti, leader de l'UDR,
"Vous avez raison de dire que l'Etat algérien ne respecte pas un certain nombre des engagements qu'il a pris, qui ne sont pas dans les accords de 1968 mais qui sont dans des accords ultérieurs".
François Bayrou, Premier ministre
Le texte de 1994 évoqué par le ministre de l'Intérieur est en réalité un protocole d'accord de réadmission entre l'Algérie et la France, sur la délivrance des laissez-passer consulaires, nécessaires au renvoi d'un étranger en situation irrégulière. "Ces accords de réadmission visent à faciliter le retour des personnes qui se retrouvent en situation irrégulière. L'avantage de ces accords, c'est qu'il suffit en théorie de dire que la personne provient d'un pays A pour que le pays A s'engage à accueillir la personne", explique Vincent Tchen, professeur de droit public à l'université de Rouen, au micro de France Info.
Si le pays de retour n'accorde pas ce laissez-passer consulaire, une personne qui séjournait de manière irrégulière dans un pays d'accueil ne peut pas être renvoyée.
Comme c'est parfois le cas en droit international, ce protocole d'accord n'a pas été publié mais, selon le ministère de l'Intérieur, il implique que des ressortissants en possession d'une simple pièce d'identité en cours de validité doivent être réadmis en Algérie.
"Juridiquement, l'Algérie n'a pas respecté l'accord de réadmission qu'elle avait signé."
Vincent Tchen, professeur de droit public
Plusieurs cas de figure existent, complète Serge Slama, professeur de droit public à l'université de Grenoble.
"Avec un passeport électronique, on est sûr de l'identité, car il y a des traces biométriques. Si les autorités françaises ont des preuves formelles que les personnes à expulser étaient algériennes, et que l'Algérie les a refusées, alors les Algériens violent les obligations qui sont les leurs."
Serge Slama, professeur de droit public
Serge Slama appelle pourtant à faire du "cas par cas" pour la soixantaine de personnes mentionnées dans la liste. "Si les autorités algériennes ne peuvent pas avoir de preuve de leur nationalité, elles peuvent exiger [que l'administration française demande] un laissez-passer consulaire et ce sont elles qui le délivrent, appuie-t-il. Le consulat fait des vérifications et s'il est sûr, il l'accorde. Les Algériens traînent souvent des pieds sur cette question."
Comme l'affirmait fin février France Info , les autorités algériennes "contestent la nationalité pour des personnes qui ont, par exemple, brûlé leur passeport, et vont faire échouer des éloignements dont ils savent que cela va affaiblir la position de la France".
En 2024, environ 42% des 5 000 demandes de laissez-passer consulaires formulées par la France ont été acceptées dans les temps par les autorités algériennes, selon la Direction générale des étrangers en France (DGEF).
De son côté, en rejetant cette liste, l'Algérie a dit n'être "animée que par le souci de s'acquitter de son devoir de protection consulaire à l'égard de ses ressortissants", d'après le communiqué publié lundi. Il est important, défend Alger, de "veiller au respect des droits des personnes faisant l'objet de mesures d'éloignement".
"Sur la forme", l'Algérie a estimé que Paris "ne pouvait pas unilatéralement et à sa seule discrétion remettre en cause le canal traditionnel de traitement des dossiers d'éloignement", celui qui relie chaque préfecture française au consulat algérien de sa zone. "Sur le fond", Alger a rappelé l'existence des accords bilatéraux de 1974 et 1994 qui restent "le cadre de référence principal en matière consulaire entre les deux pays". Par ailleurs, "la position de l'Algérie se défend", note le professeur en droit public, Vincent Tchen, car les personnes que la France souhaite expulser "résidaient régulièrement sur le territoire français".
Yacine M
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