La discrimination raciale en Algérie: une réalité persistante malgré les lois
- cfda47
- 21 mars
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Dernière mise à jour : 6 avr.

Le 60ème anniversaire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale nous invite ce 21 mars à examiner les manifestations du racisme dans différentes sociétés à travers le monde. En Algérie, malgré un cadre législatif qui semble solide sur le papier, les discriminations raciales demeurent une réalité quotidienne pour de nombreuses personnes, notamment les Algériens noirs et les migrants subsahariens.
L'Algérie a progressivement renforcé son dispositif juridique contre la discrimination raciale. La Constitution interdit explicitement toute discrimination fondée sur la race ou l'origine. Le Code pénal, notamment via ses articles 295-bis et 298-bis, prévoit des peines allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour incitation à la haine raciale et jusqu'à six mois pour insultes à caractère racial.
L'adoption en avril 2020 de la loi n°20-05 relative à la prévention et à la lutte contre les discriminations et les discours de haine marque une avancée significative. De même, en 2017, le gouvernement algérien a amendé le Code pénal pour mieux aligner la définition de la discrimination avec les standards internationaux.
Pourtant, comme le soulignent plusieurs experts internationaux, ces définitions restent trop générales et ne condamnent pas explicitement la discrimination raciale dans toutes ses formes.
Les Algériens noirs : citoyens mais discriminés
Le cas de l'influenceuse Baraka Merzaia a récemment mis en lumière le racisme dont souffrent les Algériens à la peau noire. Originaire d'In-Salah dans le sud du pays, elle a dénoncé dans une vidéo devenue virale avoir été insultée dans un tramway d'Alger par un contrôleur qui l'a prise pour une migrante subsaharienne. Plus troublant encore, elle a souligné que “personne n'a bronché dans le tramway, comme s'il ne se passait rien de grave”, révélant la banalisation de ces comportements.
Cette forme de racisme endémique est souvent analysée comme la conséquence d'une institutionnalisation par l'État d'une identité arabo-musulmane “blanche” qui marginalise les communautés noires du pays. Au quotidien, cela se traduit par du profilage ethnique aux points de contrôle de police ou dans les aéroports, même lorsque ces citoyens présentent leur carte d'identité nationale. L'usage d'insultes raciales comme “abd” (esclave), “babay” ou “kahlouche” (termes péjoratifs pour "noir") reste courant.
Les migrants subsahariens : une vulnérabilité exacerbée
La situation est encore plus alarmante pour les migrants originaires d'Afrique subsaharienne. Ils sont régulièrement victimes d'arrestations arbitraires basées sur le profilage ethnique, sans vérification de leurs documents de séjour. Les expulsions massives sont documentées par plusieurs organisations de défense des droits humains. Amnesty International a notamment rapporté l'expulsion de plus de 2 000 migrants subsahariens en seulement trois semaines en 2017, dont 300 mineurs. Plus récemment, selon l'ONG Alarm Phone Sahara, l'Algérie a renvoyé plus de 11 000 personnes vers le Niger entre janvier et avril 2023.
Les femmes migrantes se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable, souvent associées à des travailleuses du sexe et exposées au harcèlement sexuel et aux propositions indécentes.
Des facteurs aggravants dans un contexte régional tendu
Plusieurs facteurs contribuent à l'aggravation de ces discriminations. L'immigration clandestine, avec des candidats à l'exil en Europe transitant par l'Algérie, a accentué les tensions. Des discours politiques stigmatisants, comme ceux du président tunisien Kaïs Saïed, ont eu un effet désinhibant sur certains influenceurs et artistes algériens, alimentant un climat de méfiance.
Selon des témoignages recueillis, les auteurs d'insultes racistes proviennent de toutes les couches de la société algérienne : “jeunes et vieux, hommes et femmes, gens cultivés ou pas”, témoignant d'un problème profondément ancré.
Des réponses institutionnelles insuffisantes
Face à ces défis, les autorités algériennes ont pris certaines initiatives. La création d'un Conseil national des droits de l'homme en mars 2017, présenté comme une institution indépendante, constitue une première étape. Des programmes de formation des magistrats et des agents de police concernant la question des migrants ont été mis en place, en collaboration avec les Nations Unies.
Cependant, ces mesures semblent insuffisantes face à l'ampleur du phénomène. Des organisations comme Amnesty International recommandent à l'Algérie d'“s'efforcer de lutter contre la discrimination ethnique et le discours de haine à l'égard des Subsahariens et de réformer les lois sur les conditions de séjour des travailleurs migrants”.
Sophie K.
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