Mohamed-Amine Belghit, le révisionniste de l’Histoire algérienne
- cfda47
- il y a 22 heures
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Professeur de sciences islamiques, souvent présenté comme chercheur en histoire, Mohamed-Amine Belghith est un adepte des polémiques et des sorties de route. Invité par la chaîne arabophone établie à Dubaï SkyNews, il a nié l’existence de l’identité amazighe de l’Algérie, estimant que « les berbères » sont « d’anciens arabes » « des cananéens ». Pire, selon lui, la revendication « amazighe » est « une inventions franco-sioniste ».
Naturellement, le propos de Mohamed-Lamine Belghit a suscité une large indignation. Des journalistes, des intellectuels et des politiques sont unanimes pour condamner non seulement des propos jugés historiquement faux mais aussi dangereux et attentatoires à l’unité nationale.
En affirmant que l’amazighité serait une « création des services secrets français et sionistes », il a provoqué une réaction immédiate de la part des historiens et défenseurs de la culture amazighe. Beaucoup considèrent ces propos comme une tentative de marginalisation culturelle et une remise en question de l’identité nationale.
Certains observateurs estiment que ces déclarations ne relèvent pas d’un débat académique, mais plutôt d’un discours de division aux implications politiques. Jusqu’à présent, aucune réaction officielle n’a été formulée par les autorités algériennes, bien que des appels à des poursuites judiciaires pour incitation à la haine ethnique commencent à émerger.
« Les propos de ce pseudo-historien dénommé Belghit constituent une falsification avérée de l'Histoire de l'Algérie, une grave atteinte aux fondements et à l'unité de la nation algérienne et, en définitive, une trahison pure et simple des idéaux de Novembre et de la Soummam », écrit le journaliste Said Chekri.
« Ce que cet historien Belghit a dit sur une chaîne arabophone à propos de la langue, de la culture et de l'identité amazigh est beaucoup plus grave que les propos pour lesquels Boualem Sansal a été condamné à 5 ans de prison et croupit dans un centre pénitentiaire depuis plus de 5 mois », note Farid Alilat.
Du coté politique, le RCD a condamné dans un communiqué les déclarations du chercheur en histoire, longtemps présenté comme le porte-voix d’une tendance appelée « Badissia Novembria », qui prône essentiellement l’exclusion de l’élément amazigh de l’identité algérienne.
Des appels à des poursuites judiciaires
Pour beaucoup, l’intervenant doit être poursuivi en justice pour « atteinte à l’unité nationale », tamazight étant deuxième langue officielle du pays selon la Constitution. Plus que cela, le triptyque « islamité, arabité et amazighité » est considéré comme un élément fondamental de l’identité nationale qu’il faut protéger. Certains commentateurs font même le lien avec les déclarations de l’écrivain Boualem Sansal, condamné à 5 ans de prison pour avoir douté des frontières du pays. D’autres, en revanche, estiment que s’agissant d’un débat d’idées, il faut juste confronter Mohamed-Amine Belghit par des contradicteurs qualifiés, notamment d’historiens.
Si beaucoup d’observateurs ont découvert avec stupéfaction ces déclarations, Mohamed-Amine Belghit n’est pas à son premier dérapage. En plus de nourrir des contradictions qui lui font dire par exemple qu’il était chaoui (alors que dans sa dernière intervention, il dit arabe), il a souvent attaqué la Kabylie, qualifiée de « région pas totalement en phase avec le reste du pays » . Il a douté du patriotisme de certains dirigeants de la révolution et attribue souvent le déclenchement de la guerre d’indépendance au raïs égyptien de l’époque, Jamal Abdenasser, enlevant de fait le mérite des historiques du FLN.
Pourtant, celui que des médias algériens, qui se sont alignés sur la vague islamiste d’après le Hirak de 2019, ont présenté comme historien n’en est pas un. Enseignant universitaires à la Charia des sciences islamiques, il dispense des cours sur l’histoire des Musulmans en Andalousie. Ce qui le qualifie d’ailleurs à animer une émission sur le sujet sur les ondes de Radio Culture de la Radio Algérienne.
Si ce natif de Tébessa rôdait « dans le giron » du mouvement islamiste dans les années 1980, il n’était pas « forcément anti-amazigh », se souvient l’écrivain et journaliste H’mida Ayachi qui l’avait rencontré à l’époque. Selon lui, l’homme a évolué entre-temps avant de se radicaliser ces dernières années.
Une radicalisation qui le pousse à faire des déclarations qui risquent de raviver des blessures dans un pays qui n’arrive toujours pas à panser ses blessures du passé.
Ce type de polémique met en lumière les tensions persistantes autour de l’identité amazighe en Algérie. Cette controverse pourrait certainement avoir un impact sur le débat public en Algérie, surtout dans un contexte où la question de l’identité amazighe reste sensible.
Ce genre de polémique renforce deux dynamiques opposées: D’un côté, une prise de conscience accrue autour des enjeux liés à la reconnaissance de l’amazighité, notamment au sein des nouvelles générations. De l’autre, cela peut aussi attiser les tensions et encourager des discours polarisants, surtout en l’absence de réaction officielle claire.
L’absence de réponse des autorités peut être interprétée comme un silence stratégique pour éviter d’amplifier le débat, mais à long terme, cela risque d’alimenter un sentiment d’injustice et d’exclusion chez ceux qui défendent la diversité identitaire du pays.
Essaïd W
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