Détenus après le Hirak: des journalistes racontent leurs vies après la sortie de prison
- cfda47
- il y a 18 heures
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Emprisonnés durant des mois, voir des années, des journalistes algériens tentent de reprendre une vie professionnelle normale. À l’occasion de la journée internationale de la liberté de presse, nous avons choisi de faire le portrait de quelques journalistes, harcelés, intimidés et emprisonnés pour avoir fait leur travail de journalistes.
« Dix ans de harcèlement ». C’est ainsi que Rabah Karèche a résumé sa situation. Longtemps correspondant à Tamanrasset pour les quotidiens francophones El Watan, puis Liberté, le journaliste a vécu tous les calvaires qui l’ont mené, presque fatalement, vers la prison.
En 2021, la répression faite jusque-là d’intimidations, de convocations chez les juges et les services de sécurité, a franchi un nouveau cap : Rabah Karèche a été arrêté en avril 2021.
La raison ? « Trois articles sur les manifestations touarègues contre le nouveau découpage administratif me valent une garde à vue, suivie d’un mandat de dépôt. En août, je suis condamné à un an de prison, dont huit mois ferme. Une peine confirmée en appel, malgré un recours en cassation. J’écoperai finalement de six mois fermes assortis d’une amende de 20000 DA. », se souvient-il amèrement. En prison, Karèche a vécu des pressions de tous genres. Libéré en octobre 2021, Rabah Karèche n’était pourtant pas au bout de ses peines.
« Surveillance constante, déplacements restreints, intimidations… une brigade stationne même à proximité de mon domicile. On veut me faire taire, à tout prix », raconte-t-il, avec amertume.
Puis, comme un malheur ne vient jamais seul, le journaliste, qui travaillait en même temps comme fonctionnaire, a perdu son poste et ses salaires qu’il n’a jamais pu retrouver malgré des décisions de justice en sa faveur. Aujourd’hui, le jeune homme s’est éloigné des médias.
Ce calvaire, Mohamed Mouloudj ne l’a pas vécu de cette manière. Emprisonné en 2021 durant une année, il n’a pas repris du travail juste après sa libération, sans pourtant subir des pressions.
La crainte venait plutôt des employeurs. « Les gens avaient peur de me donner du travail. Ils craignaient, principalement des représailles », témoigne-t-il. Mais certains patrons n’ont pas cédé à la peur. « C'est un ami qui m'a recruté. Lors d'une discussion sur les probables pressions qu'il subirait à cause de mon recrutement, il m'a dit qu'il est prêt à y faire face », se souvient le journaliste qui travaille normalement depuis. Il est même invité à des rencontres officielles.
Premier journaliste à passer par la case prison après le hirak de 2019, Khaled Drareni a pu lui aussi retrouver une vie professionnelle normale.
A sa sortie de la détention en 2021, il a repris l’animation de Café presse, une émission que diffusait Radio M, aujourd’hui fermée par les autorités. Depuis quatre ans, il se consacre totalement à sa mission de représentant pour la région MENA, Afrique du Nord et Moyen-Orient, pour l’organisation Reporters Sans frontières (RSF). Un temps, il était toujours interdit de quitter le pays. Mais l’interdiction fait désormais partie du passé.
Ihsane El-Kadi, ancien directeur de Maghreb Emergent et Radio M a lui aussi repris du travail après deux ans de prison. Il tient une chronique économique dans le site Maghreb Emergent dont il n’a plus la gérance.
Il faut dire que depuis quelques années, les arrestations et les emprisonnements sont moins fréquents. La raison est essentiellement liée à la quasi-absence de la pratique du journalisme.
Les médias ne permettent quasiment plus aux journalistes de publier ou diffuser des informations susceptibles d’attirer la colère des autorités.
Nadia B
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