Sansal, la raison d’État et le recul de Ciotti sur l’accord de 1968
- cfda47
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Le président de l'UDR a retiré in extremis sa résolution contre l'accord franco-algérien de 1968, révélant les dessous d'un calcul politique dicté par l'affaire de l'écrivain emprisonné.
La séquence restera dans les annales politiques. Ce jeudi 26 juin, Eric Ciotti a brutalement fait marche arrière sur l'une de ses promesses phares : la dénonciation de l'accord franco-algérien de 1968 sur l'immigration. Une volte-face qui intervient à quarante-huit heures du verdict en appel attendu pour Boualem Sansal, l'écrivain franco-algérien de 75 ans menacé de dix ans de prison ferme.
Depuis mars dernier, le président de l'Union des droites pour la République (UDR) martelait pourtant son message. Face aux refus répétés d'Alger d'accepter l'expulsion d'une soixantaine de ses ressortissants, il promettait de faire voter sa résolution « au plus tard le 26 juin ». « L'État voyou algérien » devait selon lui être sanctionné par la remise en cause de ces accords régissant les conditions de séjour de 887 000 ressortissants algériens en France.
Mais c'était compter sans l'affaire Sansal. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, n'a pas caché les véritables raisons de ce retrait. « Nos services diplomatiques travaillent ardemment » pour la libération de l'écrivain, a-t-il expliqué, saluant « l'esprit de responsabilité » du groupe UDR. Traduction : ne pas envenimer davantage les relations avec Alger tant que le sort de Sansal n'est pas réglé.
L'exécutif assume donc pleinement d'avoir fait pression sur l'opposition pour éviter toute « escalade, même verbale ». Une reconnaissance rare du poids des considérations diplomatiques sur l'agenda parlementaire, qui transforme de facto la résolution Ciotti en monnaie d'échange.
Le pragmatisme avant tout
Pour Eric Ciotti, le calcul était cornélien. D'un côté, ses électeurs attendent une fermeté sans faille sur l'immigration algérienne. De l'autre, l'urgence humanitaire d'un écrivain de 75 ans, atteint d'un cancer selon ses proches, face à la justice algérienne.
Le timing était d'autant plus délicat que le parquet d'Alger a requis mardi 24 juin un durcissement de la peine en appel : dix ans de prison ferme contre cinq en première instance. Le verdict tombera le 1er juillet, soit trois jours avant la date initialement prévue pour le vote de la résolution.
Cette séquence révèle les contradictions de l'opposition face à l'Algérie. Capable de dénoncer avec véhémence les « privilèges » accordés aux ressortissants algériens, elle accepte finalement de suspendre ses initiatives quand l'intérêt national l'exige. Un pragmatisme qui questionne la sincérité de certains engagements électoraux, mais qui témoigne aussi d'une certaine maturité politique face aux enjeux diplomatiques.
L'affaire Sansal aura ainsi eu raison des convictions affichées d'Eric Ciotti, révélant que même l'opposition la plus ferme peut plier devant les impératifs de la raison d'État. Reste à savoir si cette stratégie portera ses fruits pour l'écrivain emprisonné.
Sophie K.
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