“Vous faites de la politique” : l'accusation qui a banni Tafat du SILA
- cfda47
- il y a 6 heures
- 2 min de lecture

“Vous faites de la politique”. C'est ce qu'aurait lancé le commissaire du SILA à Tarek Djerroud en 2022, lors d'une entrevue au siège du salon. Trois ans plus tard, la maison d'édition Tafat est exclue du Salon international du livre d'Alger pour la deuxième année consécutive.
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le directeur de Tafat ne mâche pas ses mots. Il parle d'acharnement, de manœuvre nauséabonde, d'une volonté délibérée de nuire. Sans explication écrite, sans procédure, sans réponse aux courriers qu'il a envoyés.
Cette accusation de “faire de la politique” rappelle d'autres moments de l'histoire littéraire où des éditeurs se sont retrouvés écartés pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec la qualité de leur catalogue. En France, dans les années 1950, François Maspero s'est vu refuser des stands dans certains salons à cause de ses positions anticoloniales. Aux États-Unis, pendant le maccarthysme, des maisons progressistes ont été mises à l'index. Plus près de nous, dans le monde arabe, des éditeurs comme Dar al-Saqi ou Riad El-Rayyes ont régulièrement été persona non grata dans des salons officiels pour avoir publié des auteurs jugés trop critiques.
Un lent effacement
Djerroud raconte une descente aux enfers progressive. Avant 2017, Tafat avait son stand, ses lecteurs, son public. “Les visiteurs du SILA s'arrêtaient devant notre stand en foule”, rappelle-t-il dans sa vidéo. Puis les ennuis ont commencé. En 2018, la maison est déplacée vers un "coin perdu". L'année suivante, même traitement. Et ainsi de suite, jusqu'à l'exclusion pure et simple en 2024.
L'éditeur a écrit au commissariat du SILA le 16 septembre 2025 pour demander des explications. Aucune réponse. Il a renouvelé ses démarches. Toujours rien. Cette absence de justification reste troublante : pas de grief officiel, pas de procédure, pas de droit de réponse.
“Aucune loi en Algérie n'autorise un commissaire du SILA à censurer ou à entraver le travail d'une maison d'édition”, rappelle Djerroud. “Seule une justice souveraine peut interdire nos livres”.
Le directeur utilise des comparaisons parlantes : un instituteur qui écarte deux élèves d'une sortie scolaire sans raison, un président de fédération qui empêche un club de participer à la coupe nationale. Des situations qui, ailleurs, feraient scandale.
La politique comme prétexte
Djerroud affirme ne pas être membre d'un parti politique. Mais il va plus loin : “Faire de la politique n'est pas un délit. Où est le problème ? La Constitution l'autorise”. Depuis quand l'engagement intellectuel serait-il un motif d'exclusion ?
Cette accusation de “faire de la politique” est un classique. Elle permet de tout dire sans rien prouver. Elle transforme la ligne éditoriale en délit, le choix des auteurs en conspiration. Pratique : ça dispense d'argumenter.
Pendant ce temps, Tafat continue de publier, de travailler avec des auteurs, de sortir des livres. “Nous restons attachés à notre lignée éditoriale et à nos valeurs”, insiste Djerroud. Les lecteurs devront se rendre en librairie pour découvrir ces publications qui, manifestement, dérangent quelqu'un quelque part.
Amine B.
vidéo ci-dessous.



Commentaires