Ecole algérienne : les constats de Nouria Benghabrit
- cfda47
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Plus de six ans après son départ du gouvernement, l’ancienne ministre de l’Education nationale est sortie de son silence. Dans une longue interview accordée à la chaine Berbère télévisions, celle qui est redevenue chercheure au Crasc (Centre de Recherche en anthropologie sociale et culturelle) a donné sa vision de la réforme de l’école algérienne, et a tenté d’expliquer les raisons du non-aboutissement des transformations souhaitées pour l’école algérienne.
Après plusieurs années de silence, l'ancienne ministre de l'Éducation nationale, s'est exprimée dans une interview accordée à Berbère Télévisions . Elle y partage son regard sur la réforme de l'école algérienne, mettant en avant les progrès réalisés depuis l'indépendance tout en soulignant les limites des réformes de 1976 et 2003.
Nouria Benghabrit et la réforme éducative : un projet entravé par l'idéologie
Selon elle, le principal frein à ces réformes a été l'omniprésence des débats idéologiques et identitaires au détriment des discussions pédagogiques. Elle regrette aussi le manque d'implication des enseignants et autres acteurs du terrain, qui jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des changements.
Sur la question des langues à l'école, Benghabrit souligne que les publications littéraires en français et en tamazight restent plus nombreuses que celles en arabe, langue officielle de l'enseignement, ce qui illustre les défis liés à l'idéologisation du système éducatif. Elle prépare actuellement un livre pour raconter son expérience au ministère.
Langues, pédagogie et politique : les dilemmes de l’éducation nationale
Pour répondre à la problématique, l’universitaire qui a déjà réalisé des travaux pour l’UNESCO et les Nations-Unies, a d’abord préféré relever les aspects positifs de l’école algérienne. Elle rappelle notamment que « l’Algérie est revenue de loin » puisqu’au lendemain de l’indépendance, le nombre d’Algériens instruits étaient très réduits. « L’intérêt pour l’école a commencé au lendemain de l’indépendance », a-t-elle insisté tout en rappelant les deux grandes réformes de 1976 et celle de 2003.
« Ces réformes ont produit de l’effet, mais cela reste insuffisant ».
Si ces réformes n’ont pas aboutie, c’est notamment à cause de la prévalence de l’idéologie au détriment de la pédagogie, a-t-elle affirmé. « Dès le lendemain de la remise du rapport de la commission de Réforme de l’éducation nationale, en 2003, le débat a été détourné sur le terrain idéologique, identitaire ». Le débat public a surtout porté sur « la religion, les langues » et non pas « sur la pédagogie », regrette-t-elle.
Pourtant, au sein de la commission constituée à l’époque par le défunt président Abdelaziz Bouteflika et dans lequel l’oratrice a fait partie, « les débats étaient d’une très grande qualité », a assuré Mme Benghabrit qui regrette que le rapport final de cette commission présidée par le Professeur Benali Benzaghou « n’ont jamais été rendu public ».
L’autre frein qui n’a pas aidé à faire aboutir les réformes est l’absence de l’association des gens de terrains, regrette Mme Benghabrit qui rappelle que si les décideurs « peuvent émettre des théories, des propositions » la mise en application sur le terrain « dépend de ceux qui travaillent au quotidien », à savoir les enseignants et autres intervenants dans le domaine.
Un autre obstacle a été l'absence d'une planification minutieuse des objectifs à court et à long terme, ce qui a rendu difficile l'application des réformes. De plus, la politique éducative algérienne a souvent été façonnée par des principes idéologiques de l'État, ce qui a influencé les choix en matière de langues d'enseignement et de contenus scolaires.
L'éducation en Algérie : entre progrès et blocages politiques
Nouria Benghabrit n’est pas du genre à lancer des polémiques. Mais utilise le langage codé pour s’exprimer sur des sujets d’actualité et lancer des flèches au pouvoir actuel. Sur le choix des langues à l’école, elle a par exemple fait remarquer que « le nombre de publications littéraires en français et en tamazight » est plus important dans le pays, comparativement aux publications en arabe qui est pourtant la langue d’enseignement dans le pays. Une manière de rappeler que l’idéologisation de l’école a échoué à éradiquer la langue française.
C’est la première fois qu’elle intervient dans un média audiovisuel. Elle n’a pas évoqué son passage au ministère de l’Education parce qu’elle prépare « un livre » pour relater cette période importante de sa vie.
Les débats idéologiques ont eu un impact majeur sur la réforme éducative en Algérie. Au lieu de se concentrer sur des améliorations pédagogiques et structurelles, les discussions ont souvent été détournées vers des questions identitaires et politiques. Cible du courant islamo-conservateur qui a même réclamé son emprisonnement au lendemain du Hirak, la dame a fait face à toutes attaques la présentant notamment comme « étrangère » à « notre culture ». Mais elle a résisté et continue de travailler comme chercheure associée au Crasc.
« J’ai pris ma retraite administrative, mais je travaille toujours »,
a-t-elle assuré d’un sourire qui en dit long sur le moral intact de cette dame de fer qui a tenu bon malgré les vents contraires.
La réforme éducative en Algérie illustre les défis liés à l’équilibre entre pédagogie et idéologie. Si des avancées ont été réalisées depuis l’indépendance, la politisation des débats a souvent freiné la mise en œuvre de changements structurants. L’expérience de Nouria Benghabrit met en lumière l’importance d’un dialogue basé sur des considérations pédagogiques, plutôt que sur des luttes identitaires. L’avenir de l’éducation algérienne repose sur une approche inclusive, impliquant les acteurs de terrain et favorisant des réformes adaptées aux besoins réels des élèves et enseignants.
E. Wakli
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