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Entre justice pénale et engagements internationaux : L’Algérie face au spectre du rétablissement de la peine de mort

  • cfda47
  • il y a 15 heures
  • 4 min de lecture
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L’Algérie risque de compromettre ses engagements internationaux si elle rétablit la peine de mort, notamment vis-à-vis de l’ONU et du mouvement abolitionniste mondial. Car derrière cette volonté de fermeté, une question cruciale se pose : l’Algérie peut-elle rétablir la peine capitale sans renier ses engagements internationaux et ses principes constitutionnels ?.


Rétablir la peine de mort dans un système judiciaire encore dépendant du pouvoir exécutif soulèverait de graves inquiétudes sur l’équité des condamnations. Les réformes judiciaires en cours doivent viser à renforcer l’autonomie des magistrats, avant d’envisager des peines aussi lourdes. L’image internationale de l’Algérie serait fragilisée si la peine capitale était appliquée dans un contexte de justice non indépendante.


L’Algérie a voté en faveur du moratoire Onusien sur la peine de mort en décembre 2024, comme elle l’a fait à plusieurs reprises depuis 2007. Elle n’a cependant pas ratifié le Deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdit formellement la peine capitale. Le rétablissement de son application créerait une contradiction entre les engagements diplomatiques de moratoire et la pratique judiciaire nationale, affaiblissant sa crédibilité sur la scène internationale.


Une peine suspendue mais toujours inscrite dans le droit

Le lien entre l’indépendance de la justice et la peine de mort est fondamental : sans une justice libre et impartiale, l’application de la peine capitale devient un risque majeur pour les droits humains et l’équité des procès. La peine de mort est la sanction la plus définitive qui existe. Elle ne tolère aucune erreur. Or, dans un système judiciaire soumis à des pressions politiques ou hiérarchiques, le risque d’erreur ou d’instrumentalisation est accru.


L’Algérie n’a pas aboli la peine de mort. Elle l’a suspendue depuis 1993, et les condamnations à mort continuent d’être prononcées, bien qu’elles ne soient pas exécutées. Cette situation fait de l’Algérie un pays « abolitionniste de fait », selon les critères des Nations unies.


En décembre 2024, l’Algérie a voté en faveur du moratoire universel sur la peine de mort à l’Assemblée générale de l’ONU, réaffirmant son attachement à une justice respectueuse des droits humains. Elle est également signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais n’a pas ratifié son Deuxième Protocole facultatif, qui interdit formellement la peine capitale.


Des engagements internationaux en péril

Le rétablissement de la peine de mort placerait l’Algérie en contradiction directe avec :

  • Le moratoire onusien, voté à plusieurs reprises depuis 2007.

  • Les recommandations du Conseil des droits de l’homme, qui appellent à une abolition complète.

  • Les engagements pris dans le cadre de l’Union africaine, qui encourage la limitation des peines irréversibles.

  • Les accords de coopération avec l’Union européenne, qui incluent des clauses sur le respect des droits fondamentaux.


Une telle décision pourrait entraîner des critiques diplomatiques, une dégradation de l’image internationale du pays, et une mise en tension avec les ONG et les réseaux abolitionnistes mondiaux.


Justice, dignité et symbolique nationale

L’indépendance de la justice est une condition essentielle de l’État de droit : elle garantit que les juges rendent leurs décisions librement, sans pression politique, économique ou sociale. Sans elle, la démocratie vacille.


L’article 160 de la Constitution algérienne affirme que « le pouvoir judiciaire est indépendant ». Les magistrats sont censés exercer leurs fonctions en toute impartialité, à l’abri des pressions politiques ou hiérarchiques. Pourtant, la réalité du terrain révèle de nombreuses entraves à cette indépendance, qui compromettent la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire.


Dans un système non indépendant, les plus vulnérables — pauvres, marginalisés, opposants — sont les plus exposés à la peine capitale, faute de défense solide ou de procès équitable.


Pour les défenseurs des droits humains, la peine de mort est une atteinte irréversible à la dignité humaine. Elle ne garantit ni la dissuasion ni la réparation, et expose à des erreurs judiciaires irréparables. Dans le contexte algérien, où la justice est en pleine réforme, le retour à la peine capitale pourrait être perçu comme un recul symbolique, une rupture avec les efforts de modernisation et de pacification du système judiciaire.


Réactions et mobilisations

  • ONG nationales et internationales : Riposte Internationale, Amnesty International, la Ligue algérienne des droits de l’homme et d’autres acteurs ont déjà exprimé leur inquiétude.

  • Société civile : des voix s’élèvent pour rappeler que la justice ne peut être fondée sur la vengeance.

  • Milieux juridiques : certains magistrats et avocats appellent à renforcer les peines alternatives et à améliorer les conditions de détention plutôt que de réactiver la peine capitale.

  • Campagnes de sensibilisation sur les risques d’erreurs judiciaires et l’inefficacité de la peine de mort.

  • Tribunes et témoignages de victimes, juristes et militants abolitionnistes.

  • Mobilisation artistique et visuelle : affiches, slogans, vidéos pour interpeller l’opinion publique.

  • Interpellation des instances internationales : ONU, UA, UE, pour rappeler les engagements de l’Algérie.


La peine de mort peut devenir un outil de répression ou de populisme pénal. Sans garde-fous judiciaires, elle peut servir à éliminer des adversaires ou à renforcer l’autorité de l’État, comme l’ont montré plusieurs régimes autoritaires.


Le débat sur la peine de mort en Algérie ne peut être réduit à une réponse émotionnelle aux crimes odieux. Il engage la vision de la justice, le respect des droits fondamentaux, et la place du pays dans le concert des nations. Face à la tentation du retour à l’irréversible, la presse, les citoyens et les institutions ont un rôle crucial à jouer pour défendre une justice humaine, équitable et digne.


Nadia B

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