Justice sélective : l’âge comme prétexte, l’impunité comme règle
- cfda47
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Le ministre de l’Intérieur, Saïd Sayoud, a récemment affirmé que le maire de la commune de Bousfer (Oran) avait « tout vendu », mais qu’il avait été épargné d’un passage en prison en raison de son âge avancé. L’homme avait alors 70 ans. Cette déclaration, loin de passer inaperçue, soulève de nombreuses interrogations sur la cohérence et l’équité de la justice algérienne. Car dans le même temps, d’autres figures publiques, plus âgées encore, ont été incarcérées sans ménagement. Abdelmadjid Sidi Saïd, ex-secrétaire général de l’UGTA, a été jeté en prison à 73 ans, alors qu’il souffrait d’un cancer. Djamel Ould Abbas, ancien ministre et figure du FLN, a été condamné et emprisonné à l’âge de 85 ans.
Ce qui frappe dans les propos du ministre, c’est moins l’aveu d’un délit que l’aveu d’une justice sélective. Dire qu’un maire « a tout vendu » mais qu’on l’a épargné en raison de son âge, alors que d’autres responsables plus âgés et malades ont été incarcérés, révèle une incohérence profonde. L’argument de l’âge devient un prétexte commode, brandi pour justifier l’impunité de certains, mais abandonné lorsqu’il s’agit de figures tombées en disgrâce.
La comparaison est implacable. Elle met en lumière une justice appliquée à géométrie variable, où l’âge et l’état de santé ne constituent pas des critères constants mais des arguments invoqués de manière sélective. L’aveu du ministre, en reconnaissant publiquement que le maire avait commis des fautes graves mais qu’il avait été protégé, révèle une pratique arbitraire qui fragilise la crédibilité de l’État de droit.
Cette contradiction nourrit l’idée d’une justice instrumentalisée, où la règle n’est pas le droit mais le rapport de force et les réseaux. Elle expose une pratique arbitraire qui mine la confiance des citoyens et fragilise la crédibilité des institutions. En réalité, ce type de discours officialise une injustice : il reconnaît la faute, mais légitime l’absence de sanction.
Ces propos traduisent également une logique politique : montrer que l’on dénonce certains abus tout en préservant des réseaux d’influence. Ils exposent la persistance d’un système où la sanction ne découle pas uniquement de la gravité des faits, mais du rapport de force, des protections et des alliances. En ce sens, l’argument de l’âge apparaît moins comme une règle humanitaire que comme un prétexte commode pour justifier l’impunité de certains, tandis que d’autres, pourtant plus vulnérables, subissent la rigueur carcérale.
Au-delà du cas de Bousfer, cette séquence illustre une justice sélective qui mine la confiance des citoyens et alimente le sentiment d’injustice. Elle rappelle que, dans l’Algérie d’aujourd’hui, la prison n’est pas seulement l’aboutissement d’un procès équitable, mais aussi l’expression d’un choix politique.
Nadia B



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