La fabrique du soupçon : quand les chiffres et les procès servent le pouvoir
- cfda47
- 25 sept.
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Dernière mise à jour : 26 sept.

Mercredi 24 septembre, l’ancien ministre du Travail et de la Protection sociale, Hassan Tidjani-Haddam, a été condamné par le tribunal d’Alger à une peine de 10 ans de prison ferme pour corruption. Il aurait notamment acheté une villa pour un montant de plus de 5,8 milliards de dinars sur le budget d’un organisme de la sécurité sociale. Au même moment, le PDG de Tassili Airlines, devenue récemment Lignes Intérieures, une filiale de Air Algérie, a été mis sous contrôle judiciaire, lui aussi soupçonné de corruption et de détournement de biens publics.
Cela se passe à un moment où le nouveau ministre de l’Agriculture, Yassine El-Mahdi Walid, s’en prend à son prédécesseur, Youcef Charfa, accusé d’avoir manipulé les chiffres de son secteur.
Le jeune ministre a estimé que les données fournies par son département ministériel constituaient un « mensonge ». Une attaque qui corrobore une flèche lancée il y a quelques semaines par Abdelkader Bengrina, le président du parti El-Bina, réputé proche du chef de l’Etat, contre le même responsable gouvernemental, accusé d’avoir obligé des représentants locaux de son département ministériel de fournir de faux chiffres.
Une attitude dont il ne serait pas forcément le seul champion, mais qui est devenue le sport favori de beaucoup de responsables depuis de longues années, mais qu’on préfère sortir au moment voulu, donc à l’instant où on cherche à se débarrasser de quelqu’un. Il y a quelques jours, l’ancien premier ministre, Nadir Larbaoui a été mis sous contrôle judiciaire, tandis que son frère est en état d’arrestation.
Corruption, mensonge lors de la présentation des chiffres, mauvaise gestion … Lorsqu'il s’agit d’achever un responsable, les arguments ne manquent pas. La pratique, déjà en vogue dans le pays, se généralise et devient au fil des ans un phénomène qui n’épargne désormais aucun responsable. C’est devenu une véritable chasse aux sorcières et de nombreux dirigeants d’établissements et entreprises publics craignent désormais pour leur liberté et celle de leurs proches, à tel point que beaucoup de personnalités, approchées par le pouvoir pour faire partie d’un gouvernement, ont refusé l’offre. Prendre des responsabilités est devenu risqué sous le régime de Tebboune-Chengriha.
Evidemment qu’il ne s’agit en aucun cas de blanchir un quelconque dirigeant. Partout et à tous les niveaux, la justice doit s’appliquer à tous, sans exception. Mais ni la justice spectacle, ni celle des règlements de compte n’est la solution. Bien au contraire, une justice faite pour punir au lieu de dire le droit n’en est pas une. Pire, cela donne un spectacle lamentable d’un pays qui dévore ses enfants, ses dirigeants. Car, depuis quelques années, des dizaines, voire des milliers de cadres et de personnalités de haut rang sont en prison ; parfois à tort. Certains ont été jugés et condamnés lors de procès expéditifs, tandis que d’autres n’ont même pas eu droit à de vrais procès. Cela finit par enlever la crédibilité non seulement à la justice algérienne, mais également à la majorité du personnel politique du pays. C’est pour cela que toute vraie réforme qui ne commence par la justice n’aboutira jamais.
Essaïd Wakli



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