Rachid Malaoui: Un récit de vie et un combat pour la démocratie
- cfda47
- 23 déc. 2023
- 3 min de lecture

Hier, à l'heure où la nuit tombe, Rachid Malaoui a rendu son dernier souffle à Paris à l’âge de 59 ans, loin de sa terre natale, où il lutta pour la liberté et l'idéal.
Syndicaliste et humaniste de conviction, Il affronta la dictature et l'oppression, Il œuvra pour le changement démocratique, en Algérie, son pays qu’il affectionna tant.
Rachid, fils d'un marchand de fruits et de légumes, vint au monde en 1964, dans le brûlant Saint-Pierre Oran, où l'enfance était synonyme de bagarre pour préserver son morceau de pain, son image ou sa place, face aux autres enfants du quartier.
Cette époque était déjà une école de combat qu'il retrouverait plus tard dans son engagement associatif, syndical et humanitaire. Tout en suivant sa scolarité, Rachid, se faisait un peu d'argent, sous les arcades de la rue d'Arzew, en vendant des livres et des magazines.
Il poursuivit ensuite ses études au lycée Lotfi et au lycée El Hayat, où il obtint son bac scientifique qui lui ouvrit les portes de l'université USTO pour y étudier l'Hydraulique.
En parallèle de ses cours, il s'initia très tôt au théâtre au sein de l'association « El Amal », qui lui apporta une culture artistique tout en rejoignant l'UNJA « Union Nationale de la Jeunesse Algérienne », organisation affiliée au FLN.
Déjà engagé dans les manifestations d'octobre 88, il fut repéré et arrêté par la sécurité militaire qui l'enferma dans la redoutable caserne de Magenta.
Cette arrestation le poussa à durcir ses positions politiques. Il passa ainsi d'un jeune tempéré à un activiste « gauchiste », sans adhérer à son idéologie.
A l'université USTO, il se fit remarquer par son militantisme, en menant des actions revendicatives et en appelant à la grève. Cela déplut fortement à l'administration universitaire qui le sanctionna en l'envoyant à Chlef pour achever ses études.
De retour à Oran, il fonda une association de tourisme étudiant, installée dans un local sous les arcades de la rue d'Arzew, où il avait grandi enfant. Mais, très vite, derrière le masque du tourisme étudiant, l'association déployait ses activités vers des domaines plus contestataires, en faveur du changement démocratique. C'est ainsi qu'il organisait des camps d'été pour les étudiants, qui étaient en fait des lieux de formation de leaders syndicaux.
Une fois ses études terminées, il rejoignit l'UFC « Université de la formation continue » en tant que cadre, où il fonda une section syndicale SNAPAP, dont il devint le président après un congrès.
Suite à l'arrêt du processus électoral en 1991, Rachid et le SNAPAP s'opposèrent au coup d'Etat et soutinrent le contrat de Rome.
Le SNAPAP, durant les années 90 et 2000, se renforça à l'échelle nationale, en augmentant ses revendications et en portant la question des droits de l'Homme à l'international, en intégrant le syndicat à la CSI « Confédération Syndicale Internationale », à l'Union des Syndicats Arabes, au Forum Social Maghrébin, à la FIDH « Fédération Internationale des Droits de l'Homme » et au forum euro-méditerranéen, ainsi qu'à l'ONUDC « ONU, contre la corruption.»
A partir de là, Malaoui Rachid devint la cible du DRS qui le traita comme l'ennemi public numéro un
En 2011, Rachid, avec le SNAPAP et d'autres acteurs de la société civile et politique, lança la CNCD « Coordination nationale pour le changement et la démocratie » à Alger, pour réclamer la libération des jeunes emprisonnés et pour protéger les libertés individuelles et collectives.
Avec l'appui d'autres syndicats autonomes, dont une branche du CNES universitaire et un syndicat indépendant de l'Energie, il fonda la CGATA « Confédération générale autonome des travailleurs algériens », à partir du SNAPAP, un syndicat réservé à l'administration et aux fonctionnaires. Il adhéra à la CSI et dénonça sans relâche les violations des droits syndicaux et des droits de l'Homme devant les instances internationales.
Ces accusations internationales ne plaisaient pas du tout au pouvoir qui intensifia sa pression sur le SNAPAP/CGATA, en bannissant ses activités, en saccageant ses locaux et même en le renvoyant de son travail. Malgré toutes les répressions, Rachid ne céda jamais et garda ses convictions politiques contre vents et marées.

Rachid Malaoui en compagnie de Mecheri Salim à la place du 1er Novembre à Oran pendant le Hirak.
En février 2019, Rachid, comme tous les algériens, rejoignit le Hirak, mais en 2020, il fut violemment pris pour cible et contraint de fuir le pays pour Paris, où il devait se faire soigner d'une maladie qu'il traînait depuis longtemps.
Rachid, solide comme le cyprès, a combattu toute sa vie sans cesse, pour la justice, l'égalité et l'humanité et pour une société plus belle et plus entière.
Aujourd'hui, il s'en va loin de nous mais il a laissé derrière lui des pousses et des graines de lutte et de paix en Algérie qui germeront un jour sous le soleil de la vie.
Yacine M



Commentaires