Des experts indépendants des Nations Unies ont vivement dénoncé vendredi les récentes atteintes aux libertés fondamentales visant la communauté judiciaire en Tunisie. Dans leur ligne de mire: les arrestations musclées de deux avocats ainsi que l'entrave à la liberté de mouvement d'un juge.
L'avocat Mehdi Zaghrouba a été appréhendé dans la violence lors d'une descente au siège de l'Ordre des avocats tunisien. Lors de son audition, il portait les marques apparentes de sévices corporels avec ecchymoses, griffures et hématomes sur plusieurs parties du corps. Son état s'est dangereusement dégradé, nécessitant des soins médicaux d'urgence après qu'il ait perdu connaissance.
“Nous sommes choquées par ces violations flagrantes des droits humains fondamentaux et de l'interdiction absolue de la torture”, ont tonné entre autres Margaret Satterthwaite, Rapporteure spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, et Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, exigeant une enquête indépendante.
Dans un autre cas, le président de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), Anas Hmedi, s'est vu refuser tout congé pour assister à une réunion annuelle cruciale de son organisation internationale. Un déni injustifié et inquiétant qui “restreint excessivement” selon l'ONU les libertés syndicales légitimes.
Indépendance de la justice menacée
Au-delà de ces cas individuels, c'est l'indépendance même du système judiciaire tunisien qui semble remise en cause selon les experts onusiens. Ils dénoncent l'utilisation abusive par le ministère de la Justice de “notes de travail” illégales pour modifier arbitrairement la composition des tribunaux, chambres et parquets.
“Ces changements, en cours d'année judiciaire, semblent constituer des représailles contre certains magistrats”, alertent les rapporteures. Une dérive d'autant plus préoccupante qu'elle fait suite à la dissolution par le président Saied du Conseil supérieur de la magistrature en 2022 et au limogeage de 57 juges.
Face à cette régression antidémocratique, l'ONU exhorte Tunis à “mettre fin aux entraves injustifiées” contre les droits des avocats et magistrats. Un appel pressant au “dialogue constructif” pour préserver l'État de droit et les libertés fondamentales en Tunisie.
Sophie K.