Refoulée et réduite au silence : Nassera Dutour, l’oubli complice des féministes algériennes
- cfda47
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Nassera Dutour, présidente du Collectif des Familles de Disparu·e·s en Algérie (CFDA) et figure historique de la lutte pour la vérité et la justice, a été refoulée à son arrivée à l’aéroport d’Alger le 30 juillet 2025. Après trois heures de rétention par la police aux frontières, elle a été contrainte de reprendre un vol vers la France, sans qu’aucune explication officielle ne lui soit fournie. Ce refoulement, qui constitue une violation manifeste du droit constitutionnel de tout citoyen algérien à entrer sur le territoire national, a suscité l’indignation de nombreuses organisations internationales de défense des droits humains. Mais en Algérie, un silence glaçant persiste.
Dans une déclaration publique, Nassera Dutour a exprimé sa profonde déception face à l’absence totale de réaction des associations féministes algériennes.
« Aucune d’entre elles ne m’a contactée, aucune n’a dénoncé cette expulsion arbitraire », affirme-t-elle.
Pourtant, son engagement en tant que mère d’un disparu, militante infatigable depuis les années 1990, et présidente d’une fédération euro-méditerranéenne de défenseurs des droits humains, aurait dû susciter un élan de solidarité en Algérie. Ce silence, selon elle, révèle une fracture inquiétante dans les luttes pour les droits des femmes, où certaines voix sont jugées trop dérangeantes pour être soutenues.
L’expulsion de Nassera Dutour ne vise pas seulement une militante : elle s’inscrit dans une stratégie plus large d’effacement de la mémoire des disparus et de répression des voix critiques. En l’empêchant d’entrer sur le sol algérien, l’État tente de réduire au silence une figure qui incarne la persistance de la demande de vérité, de justice et de reconnaissance. Ce geste autoritaire, qui bafoue les principes les plus élémentaires du droit, interroge sur la nature du pouvoir et sur la place accordée aux femmes qui refusent de se taire.
Face à cette situation, plusieurs organisations internationales ont exprimé leur solidarité avec Nassera Dutour. Mais l’absence de relais au sein des structures féministes algériennes soulève des questions douloureuses sur les limites de l’engagement féministe dans un contexte de répression politique. Peut-on défendre les droits des femmes tout en détournant le regard lorsque l’une d’elles est arbitrairement expulsée pour avoir porté la voix des mères de disparus ? Peut-on se dire féministe et rester muette face à une atteinte aussi flagrante à la dignité et à la citoyenneté d’une femme engagée ?
Nassera Dutour, malgré l’humiliation subie, ne renonce pas. Elle appelle à une prise de conscience collective et à une solidarité sans condition entre femmes, au-delà des appartenances partisanes ou des calculs institutionnels. Son combat, ancré dans la mémoire des disparus, est aussi un combat pour la souveraineté citoyenne, pour la liberté d’expression, et pour une justice qui ne cède pas devant la peur. En la réduisant au silence, le pouvoir algérien révèle sa propre fragilité. En gardant le silence, certaines structures féministes révèlent leurs limites. Mais la voix de Nassera Dutour, elle, continue de porter.
Nadia B



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