Algérie nouvelle : de la dignité à la soumission, chronique d’une presse muselée
- cfda47
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A la fin de la foire de commerce interafricain, un syndicat de journalistes s’est félicité de « la réussite » de l’évènement africain et s’est dit content que « les journalistes » avaient « bien fait leur travail » en « assurant une couverture » de cet évènement économique. Au même moment, le ministre de la Communication Mohamed Meziane a adressé ses « remerciements » aux journalistes algériens qui avaient « réussi » la couverture de cette foire où des contrats ont été signés entre des sociétés algériennes et celles d’autres pays d’Afrique.
« Quand la presse devient l’écho du pouvoir »
On savait depuis de longs mois que ce qui intéresse les autorités algériennes est une presse inféodée au pouvoir. Durant des semaines, le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, a sillonné le pays pour demander clairement et de manière explicite aux journalistes de faire de la « propagande ».
« Foire interafricaine, vitrine d’un journalisme sous tutelle »
Oui, le membre du gouvernement n’est pas intéressé par une presse professionnelle, mais par des journalistes qui ne rapportent et n’amplifient que les activités du pouvoir politique. Il veut des journalistes qui disent « vive le roi » même lorsque le monarque a faux, même lorsque le pouvoir prend des décisions qui ne vont pas dans la bonne direction. Plus grave, on refuse aux professionnels des médias de rapporter « ce qui est négatif ».
« La propagande en habit syndical »
Si le rôle du ministre de la Communication est moins étonnant étant donné qu’il est dans une posture de « propagande », devenue la mode chez les autorités algériennes, celle des journalistes agglomérés au sein de certains syndicats de journalistes l’est beaucoup plus. Un syndicat a pour mission de défendre les intérêts sociaux et économiques de ceux qui lui sont affiliés et non pas de la propagande de bas étage pour un pouvoir dont la préoccupation première est d’étouffer toute liberté de presse et d’expression.
« Le silence des plumes : l’indignité en marche »
Des journalistes qui soutiennent les autorités ont toujours existé. Mais de tout temps, ces hommes et femmes de la presse ont fait les choses de manière professionnelle, sans jeter leur honneur aux orties. Ils ont souvent allié professionnalisme et soutien au pouvoir du moment, tout en laissant une marge au journalisme, celui qui fait que pour être crédible, l’information doit être équilibrée. Il y a toujours eu des journalistes qui travaillaient pour les médias d’Etat qui ont su gérer les espaces qui leur étaient laissées entre les lignes rouges tracées par le pouvoir ; car au-delà de la nécessité pour certains journalistes d’avoir un emploi, travailler dans ces entreprises impose une contrepartie : faire de la propagande est l’ADN d’une télévision, d’une radio ou d’un journal d’Etat qui n’ont jamais été des médias de service public. Malgré cela, ces journalistes, dans leur majorité du moins, ont su rester dignes.
« Journalisme algérien : de la dignité à la soumission »
Mais depuis quelques années, nous assistons à un journalisme d’un genre nouveau : celui de mettre tous les journalistes au pas ! Pire, c’est la première fois depuis près de 40 ans que les journalistes algériens sont soumis et « fiers de l’être » : il n’y a aucune contestation contre leur situation. Les rares professionnels qui refusent le fait-accompli s'expriment sur les réseaux sociaux ou sont contraints à la clandestinité pour pouvoir exercer leur métier, d’autres ont changé carrément d’activité. Dans tout cela, le peu de crédibilité qui restait à la profession s’effiloche. Et l’indignité devient maîtresse des lieux pour longtemps.
Essaïd Wakli
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