Boualem Sansal dit « Non » à l’extrême droite, mais ses ambiguïtés ressurgissent
- cfda47
- 16 sept.
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Boualem Sansal refuse d’être récupéré par l’extrême droite pour le Prix Sakharov. Un geste fort, mais qui ravive ses propres zones d’ombre en Algérie.
Le refus a claqué comme une gifle. Boualem Sansal, proposé par le groupe « Patriotes pour l’Europe » -la bannière de l’extrême droite au Parlement européen, emmenée par le Rassemblement national -pour le Prix Sakharov 2025, a décliné l’« honneur ». Par la voix de son épouse et de son éditeur Gallimard, l’écrivain algérien a dénoncé une initiative « insidieusement partisane » et « irrecevable ». Pas question de servir de caution à une mouvance politique qui manipule la liberté d’expression pour mieux la vider de son sens.
Le Prix Sakharov, créé en 1988, a distingué Mandela, Malala ou Memorial. En s’y invitant, l’extrême droite cherchait à s’offrir le prestige d’un écrivain traduit en trente langues, célébré pour son 2084, et à se draper d’une légitimité morale. Mais la manœuvre a tourné court. Le refus public de Sansal a fait voler en éclats l’opération de communication et exposé la stratégie de cette mouvance : coloniser les symboles pour tenter de normaliser son discours au sein d’un Parlement européen fracturé depuis les élections de juin.
Ce geste s’inscrit pourtant dans une trajectoire controversée. Car Boualem Sansal n’est pas seulement un écrivain censuré ou marginalisé en Algérie : il est aujourd’hui condamné à cinq ans de prison ferme par la cour d’appel d’Alger.
La justice l’a reconnu coupable d’« atteinte à l’unité nationale », après ses déclarations d’octobre 2024 suggérant que certains territoires algériens relevaient historiquement du Maroc.
Arrêté en novembre 2024, il a vu sa peine confirmée le 1er juillet 2025, assortie d’une amende de 500 000 dinars.
Ce verdict pèse lourd sur son image. En Europe, il reste perçu comme une figure de la liberté intellectuelle. En Algérie, ses propos sur l’intégrité territoriale sont vécus comme une provocation et un franchissement de ligne rouge. Ainsi, son « non » à l’extrême droite résonne comme une posture de principe, mais il réactive en même temps ses propres contradictions : refuser d’être un trophée politique tout en ayant nourri, par ses déclarations, un procès en loyauté nationale.
L’affaire dit autant sur l’extrême droite que sur Sansal lui-même. D’un côté, une mouvance en quête de respectabilité qui tente de détourner un prix prestigieux à son profit. De l’autre, un auteur célébré à Paris et Berlin, mais condamné à Alger, dont le parcours incarne une tension permanente entre liberté d’expression et zones d’ombre. En claquant la porte à l’instrumentalisation, Boualem Sansal renvoie l’extrême droite à son vide moral, mais son propre héritage reste marqué par des fractures profondes.
Sophie K.



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