Boudjedra contre Khadra, Daoud et Sansal : querelle littéraire ou confrontation politique ?
- cfda47
- 10 juin
- 4 min de lecture

Rachid Boudjedra a procédé à la réédition et à la traduction de son ouvrage Les contrebandiers de l’histoire, qui paraîtra sous une nouvelle version chez Dar El Hikma. Cette publication, disponible en arabe et en français, s’inscrit dans une démarche visant à approfondir son argumentation et à répondre aux critiques formulées, notamment à l’égard de Boualem Sansal et Kamel Daoud. Certains écrivains et intellectuels algériens ont salué son ouvrage, le considérant comme une riposte nécessaire face à ce qu’ils perçoivent comme une tentative de réécriture de l’histoire algérienne sous une perspective néocoloniale.
Les versions arabophone et francophone de Les contrebandiers de l’histoire présentent plusieurs différences notables. La version en arabe adopte un ton plus direct et incisif, intégrant des références culturelles spécifiques au lectorat algérien, tandis que la version en français privilégie une approche analytique destinée à un public plus large, notamment à l’international.
Certaines sections ont été adaptées en fonction des sensibilités linguistiques et historiques des deux publics : la version arabophone approfondit les aspects liés à l’histoire et à l’identité algériennes, alors que la version francophone insiste davantage sur les critiques envers Boualem Sansal et Kamel Daoud.
Sur le plan de la réception, l’édition en arabe a été largement discutée dans les cercles intellectuels algériens, tandis que la version en français a suscité des réactions dans les médias internationaux, notamment en France. Ces différences témoignent d’un effort de Boudjedra pour adapter son discours aux attentes et aux contextes culturels de ses lecteurs.
Dans Les contrebandiers de l’histoire, Rachid Boudjedra critique plusieurs figures littéraires, notamment Boualem Sansal, Kamel Daoud et Yasmina Khadra, qu’il accuse de proposer une écriture formatée et façonnée selon des attentes occidentales. En réaction, Yasmina Khadra a publié une lettre ouverte le 8 octobre 2017 dans laquelle il exprime son mépris envers les attaques de son confrère, qualifiant ses propos d’attaques personnelles motivées par une jalousie infondée. Il y dénonce ce qu’il considère comme des diatribes infondées, affirmant que son silence aurait été plus douloureux pour Boudjedra que sa réponse directe. Khadra rejette les accusations de falsification de l’histoire et défend son statut d’écrivain, rappelant qu’il est l’un des auteurs algériens les plus lus et traduits à l’international.
Boualem Sansal n’a pas directement répondu aux accusations, mais ses proches dénoncent une campagne de diffamation orchestrée contre lui. Kamel Daoud, quant à lui, a réagi en affirmant que la littérature ne devait pas être instrumentalisée à des fins politiques et que les attaques personnelles n’avaient pas leur place dans le débat intellectuel.
Boudjedra, Khadra, Daoud et Sansal : une guerre des plumes en Algérie
Plusieurs médias algériens ont relayé la polémique, certains prenant position en faveur de Boudjedra, tandis que d’autres dénoncent une tentative de marginalisation des écrivains qui critiquent le régime.
Boudjedra reproche à Boualem Sansal certaines déclarations sur la souveraineté territoriale de l’Algérie, notamment une interview controversée où celui-ci aurait suggéré qu’une partie du territoire algérien relevait historiquement du Maroc. Quant à Kamel Daoud, il le dépeint comme un produit du système, qui aurait bénéficié de ses privilèges avant de renier cet héritage sous couvert d’un discours critique.
Il a aussi exprimé des critiques virulentes à l’égard de Yasmina Khadra. Il y était accusé, comme Daoud et Sansal, de produire une littérature influencée par des attentes occidentales, tout en remettant en question son statut d’écrivain et l’accusant de ne pas être un véritable auteur. Cette opposition entre les deux écrivains algériens a donné lieu à une polémique qui s’est intensifiée au fil des années.
Quand la littérature divise : polémique autour de Boudjedra, Khadra, Daoud et Sansal
Dans son ouvrage, Rachid Boudjedra s’en prend à ce qu’il perçoit comme une manipulation idéologique de l’histoire algérienne. Il critique Boualem Sansal pour ses propos controversés sur la souveraineté territoriale du pays. Il décrit Kamel Daoud, comme un produit du système, qui utiliserait la littérature comme un moyen de remettre en question l’identité et la mémoire algériennes, soutenu par des cercles intellectuels français proches de l’extrême droite.
Ce livre, rédigé en arabe et en français, se veut une réponse intellectuelle aux récits qu’il considère comme biaisés et influencés par des intérêts extérieurs.
Boudjedra y dénonce une tentative de remise en cause de la lutte anticoloniale ainsi qu’une appropriation du récit historique algérien par des voix extérieures. Cette confrontation intellectuelle met en lumière des tensions profondes autour de la mémoire coloniale, de la liberté d’expression et du rôle des écrivains dans les débats politiques contemporains.
Mémoire et identité : les écrivains algériens s’affrontent
Rachid Boudjedra a longtemps été l’un des critiques les plus virulents de Yasmina Khadra. Leur opposition repose sur plusieurs axes, notamment la conception de la littérature, l’identité des écrivains algériens et la manière dont ils sont perçus à l’international. Boudjedra reproche à Khadra d’écrire sous un pseudonyme, considérant que cela nuit à l’authenticité de son œuvre. Il l’accuse également de produire une littérature formatée pour plaire au public occidental, en mettant en avant une vision édulcorée de l’Algérie. Dans certains de ses écrits et interventions, il va jusqu’à remettre en question la légitimité littéraire de Khadra, affirmant que ses romans manquent de profondeur et d’engagement.
De son côté, Yasmina Khadra a plusieurs fois répondu à ces attaques, notamment dans une lettre publique où il exprime son mépris pour les critiques de Boudjedra, qualifiant ses propos de jalousie déplacée et de règlements de comptes stériles. Khadra défend son choix d’écriture et souligne que son œuvre a permis de donner une visibilité internationale à la littérature algérienne, loin des querelles internes.
Des observateurs étrangers ont souligné que cette controverse illustre les tensions persistantes autour de la mémoire coloniale et du rôle des intellectuels dans la société algérienne contemporaine. Certains y voient une fracture idéologique entre les écrivains engagés et ceux qui privilégient une approche plus universelle de la littérature.
Cette querelle littéraire met en lumière des tensions profondes autour de la place des écrivains algériens dans le paysage international et de la manière dont ils sont perçus, tant en Algérie qu’à l’étranger. Elle reflète également des divergences sur la manière de traiter l’histoire et l’identité algériennes à travers la littérature. Alors que Boudjedra privilégie une approche engagée et critique, Khadra mise sur une écriture plus accessible et romancée.
Nadia B
コメント